Critique : Sils Maria – Vertical Limit

Poster du film Sils Maria d'Olivier Assayas. Nous y voyons les actrices Juliette Binoche et Kristen Stewart avec au second plan un paysage montagneux.

Un réalisateur qui filme des actrices jouant des actrices se préparant pour une pièce de théâtre. C’est ainsi que l’on pourrait vulgairement résumer le très bon Sils Maria d’Olivier Assayas.

Le cinéaste emmène Juliette Binoche et Kristen Stewart dans le village favori de Nietzsche au cœur des Alpes suisses pour une mise en abyme de leur métier. Alors qu’elle devait s’y rendre pour célébrer l’anniversaire d’une pièce qui a fait sa renommée, Maria Enders arrive finalement pour rendre hommage à son auteur qui vient de mourir et duquel elle était très proche.

Fatiguée, Enders se repose continuellement sur son assistante interprétée par Stewart. Dès les premières séquences, cette dernière prend une importance considérable. La dépendance et la fascination qu’éprouve Maria vis-à-vis de Valentine sont brillamment mises en scène par Assayas. Discrète mais toujours présente, Valentine laisse l’élégance à Enders mais sait prendre la parole au bon moment. Le temps d’une soirée, Assayas nous dévoile les mondanités que vit l’actrice et l’hommage se transforme en prise de conscience pour Enders lorsqu’un metteur en scène lui propose de jouer dans une adaptation modernisée de la fameuse pièce.

Au lieu d’interpréter la jeune étoile prometteuse comme Binoche le faisait dans Rendez-vous d’André Téchiné, déjà scénarisé par Assayas, Enders devra cette fois-ci se glisser dans la peau de l’actrice sur le déclin, dépassée par sa jeune partenaire avec laquelle elle entretient une liaison et qui la poussera au suicide. Les remises en question s’accentuent dans la deuxième partie où le réalisateur isole Binoche et Stewart dans les paysages de l’Engadine. Malgré l’immensité de l’espace, le spectateur est cloisonné dans les doutes de Maria. Les répétitions tournent peu à peu au cauchemar lorsqu’elle ne peut s’empêcher de s’identifier au personnage de la pièce.

Photo de Kristen Stewart dans le film Sils Maria. L'actrice est prise de face et semble sourire à un autre personnage.

La deuxième partie de Sils Maria est clairement la plus réussie. Assayas brouille les pistes entre les discours de Maria et Valentine et ceux de la pièce. Le miroir que leur renvoie l’histoire crée un malaise. Alors que l’on voyait Valentine comme une assistante bienveillante, elle devient tout à coup une concurrente au rayonnement de Maria. Les doutes de la comédienne renforcent l’ambiguïté que Valentine n’arrive plus à effacer. Le spectateur assiste alors à la confrontation de deux stars de générations différentes. Kristen Stewart conserve sa part de mystère et son humilité sera remise en question par Binoche qui n’hésite pas à se livrer entièrement au point d’en devenir jalouse.

En parallèle, nous suivons les frasques d’une superstar interprétée par Chloë Grace Moretz qui fera face à Enders au théâtre et qui joue dans la pièce uniquement pour se racheter une conduite. Alors que Maria Enders peine à accepter sa vieillesse et les revers du succès, Jo-Ann Ellis cherche à tout prix à le fuir et s’éloigne des plateaux des blockbusters afin de s’affirmer en actrice complète aux yeux du public. Teinté d’ironie mais rarement dans le jugement, Sils Maria nous montre comment les choix et les angoisses personnelles peuvent influer sur un succès qui sera de toute façon éphémère.

Le désir d’entrer dans l’histoire et de devenir une légende n’a pas encore effleuré Maria, protagoniste bien moins vénale que la Julianne Moore de Maps to the stars. Tourmentée par la mort de son mentor, Enders n’est pas encore prête à s’accepter pour se réinventer. Le choix d’Assayas de montrer Juliette Binoche sans artifice, les traits tirés et incapable de s’imposer face à son assistante, donne l’impression que l’actrice est l’opposée d’Enders. Tout comme Kristen Stewart, la comédienne est filmée sous de nombreux états. Leur justesse, la détresse de l’une et la pudeur de l’autre contrecarrent tout l’impact que donnent les médias à leurs frasques personnelles. Assayas dévoile leur naturel dans un milieu qui ne l’est pas. Sils Maria est une déclaration d’amour à une profession qui, malgré ses nombreux travers, peut engendrer de belles surprises à l’image de cette rencontre entre deux comédiennes parfaites à l’écran.

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