Critique : Straight Outta Compton – Nuthin’ but a G Thang

Poster du film Straight Outta Compton de F. Gary Gray. En bas du logo, les cinq membres du groupe NWA marchent face à l'objectif le long d'une route d'une rue de Compton.

You are now about to witness the strength of street knowledge. La fameuse phrase qui ouvrait l’album Straight Outta Compton devait logiquement prendre forme avec ce film que l’on attendait impatiemment.

N.W.A, l’un des points de départ du gangsta rap, est aujourd’hui un groupe légendaire. Son impact est encore largement visible et les campagnes marketing ingénieuses d’Ice Cube et Dr. Dre n’en sont pas les seules responsables. On connaît l’histoire et les fameuses querelles entre les membres qui menèrent à la séparation mais de nombreux points restent énigmatiques. Il ne fallait bien sûr pas s’attendre à d’étonnantes révélations de la part du film qui présente néanmoins avec brio la trajectoire personnelle de chacun des membres.

Si l’on peut reprocher à Straight Outta Compton de mettre en retrait DJ Yella et MC Ren, on remarque dès le début la complémentarité du groupe et l’influence qu’ils avaient les uns sur les autres. Le génie musical de Dr. Dre poussa Eazy-E à devenir le rappeur que l’on connaît. La voix aigüe de ce dernier s’accordait parfaitement avec les lyrics incisifs d’Ice Cube. Que l’on soit néophyte ou fan du groupe, il est difficile de ne pas se laisser entraîner dans la première partie de cette success story mise en scène avec efficacité malgré l’aspect formel et calibré de l’ensemble.

Photo du film Straight Outta Compton. Dr Dre, Ice Cube et Eazy E sont dans une voiture dans une rue qui semble bondée.

Logiquement, de nombreux chapitres sont absents du biopic et cela ne se limite pas aux violences de Dre sur les femmes et à la jalousie maladive d’Ice Cube. L’importance de Warren G sur la rencontre entre Dre et Snoop Dogg est quasiment invisible, le membre fondateur Arabian Prince n’est jamais mentionné ni crédité au générique et les talents d’écriture de The D.O.C pour les textes d’Eazy-E sont mis de côté. Straight Outta Compton ne pouvait pas durer six heures et F. Gary Gray (Friday) préfère se concentrer sur les ambitions du trio principal et leur carrière personnelle après la scission.

Cela donne des séquences forcément marquantes dans la seconde partie, notamment lorsqu’Ice Cube peine à trouver un contrat. On retiendra également la relation complexe entre Eazy-E, gangster reconverti en créateur du label Ruthless, et Jerry Heller, sorte de figure paternelle avide et étouffante qui mena le groupe à sa séparation. La présence du redoutable Suge Knight est l’un des éléments les plus réussis du long métrage. Silencieux et imposant, le co-fondateur de Death Row accusé pour un homicide sur le tournage de Straight Outta Compton est fidèle à l’image qu’il a toujours donnée. Businessman impitoyable, le producteur est présenté comme un vrai méchant de cinéma, affublé d’un cigare et de ses gorilles. Les rares séquences tendues de l’œuvre, c’est à son interprète R. Marcos Taylor qu’on les doit. Les autres comédiens ne déméritent pas, à commencer par O’Shea Jackson Jr. parfait dans le rôle de son père mais surtout Jason Mitchell, bluffant de mimétisme dans la peau d’Eazy-E.

Malgré les attaques contre ses anciens partenaires sur AmeriKKKa’s Most Wanted, premier solo d’Ice Cube, et sur la réponse Real Niggaz, le respect entre les différents rappeurs est resté intact. En bons producteurs, Ice Cube et Dr. Dre ont édulcoré l’histoire mais les erreurs humaines ne sont pas gommées pour autant. C’est ce qui rend l’œuvre intéressante et le parcours du groupe encore plus atypique. Dans le fond, les musiciens sont entrés dans une industrie sans pitié qu’ils ont réussi à transformer chacun de leur côte et cela leur a couté cher. L’appartenance à Compton est fondamentale et comme ils nous l’ont répété tout au long de leur carrière musicale, les membres de N.W.A sont restés fidèles à leur mouvement et à leur ville.

Photo de l'équipe d'acteurs qui interprète le groupe NWA dans le film de F. Gary Gray. Les cinq acteurs posent face à l'objectif et affichent un air déterminé.

Les voir parader en Impala sur Crenshaw Boulevard relève évidemment du fantasme et les producteurs ont parfaitement alimenté le mythe avec ce long métrage qui n’est pas qu’une vulgaire hagiographie. Straight Outta Compton suit une trajectoire chronologique trop classique et manque parfois de rythme, mais l’énorme travail accompli par le groupe permettait une multitude d’interprétations pour un cinéaste. Celle de F. Gary Gray n’est clairement pas la plus féroce mais elle a le mérite de parfaitement montrer les codes du rap californien qui a inspiré de nombreux génies après N.W.A.

On aurait aimé ne pas se limiter aux hits monstrueux, en entendre et en voir plus. Le long métrage donne envie de continuer ou de commencer à écouter une musique qui, malgré ses frasques inutiles et l’avis de certains, résonne aujourd’hui partout. Ces cinq artistes ont toujours assumé leur parcours et ont su se réinventer perpétuellement. Leur détermination mérite à elle seule le déplacement en salles.

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