Après Le Pont des Espions, Tom Hanks continue de suivre la trace des héros anonymes que Frank Capra mettait noblement en scène durant l’âge d’or hollywoodien. Sous la direction de Clint Eastwood, le comédien fait encore une fois des merveilles dans une œuvre bien loin des récentes déclarations politiques du cinéaste controversé.
Le 15 janvier 2009, Chesley Sullenberger réussissait un amerrissage sur l’Hudson alors que son avion venait de perdre ses deux réacteurs suite à une collision avec des oiseaux.
Résumer ces 4 minutes de sang froid de la part de Sully et son co-pilote Jeff Skiles ainsi que le sauvetage immédiat durant lequel 1200 secouristes sont venus en aide aux 155 passagers ne semblait pas être un exercice facile. Pourtant, à l’image de son thème musical décliné sous plusieurs formes, Sully affiche une impressionnante simplicité d’exécution.
Multiplier les points de vue d’un événement et varier entre souvenirs et cauchemars spectaculaires du personnage principal ne pose jamais problème à Eastwood qui, malgré sa réputation de réalisateur instinctif, maîtrise un récit passionnant et extrêmement riche pour sa courte durée.
Sully est doté d’un incroyable équilibre qui en fait l’un des drames les plus passionnants que l’on ait vu récemment au cinéma. Le long métrage est à l’inverse de tout l’égocentrisme et la bien-pensance puritaine à laquelle on a parfois voulu le rattacher.
S’il est bel et bien le héros de cette histoire dont la luminosité réconforte et s’avère nécessaire, ce sont les proches de Sully qui lui permettent d’affronter ses doutes. Les remises en question que traversent le personnage, aucun acteur n’aurait pu mieux les retranscrire à l’écran que Tom Hanks. A la fin du film, l’association avec Clint Eastwood sonne comme une évidence.
L’implication et le professionnalisme de Sully sont bafoués mais le pilote n’est jamais présenté comme le héros solitaire triomphant d’un système dont les logorrhées suffisent à faire oublier ses actes. On peut reprocher de nombreuses choses à Eastwood mais en aucun cas la facilité de discours de ses œuvres et leur absence de nuances.
Avant de combattre les bureaucrates, Sully doit d’abord faire face à son traumatisme et dès l’ouverture de l’œuvre, les angoisses qui le traversent sont stoppées par son entourage, à commencer par son co-pilote et ami ainsi que son épouse Lorraine. Tom Hanks et Laura Linney ne se croisent jamais à l’écran mais le montage virtuose lors de leurs conversations téléphoniques donne l’impression qu’ils sont face à face dès qu’ils se parlent.
Tourné presque entièrement en IMAX, Sully offre au spectateur des séquences éblouissantes lors de l’accident mais également lorsque Tom Hanks court seul dans New York. Quand il est songeur dans une chambre d’hôtel, le format reflète la solitude du pilote perdu dans un espace clôt qui paraît néanmoins immense.
Clint Eastwood s’efface une nouvelle fois derrière un personnage dont l’humilité bouleverse. Sully se confronte sereinement à l’interprétation des médias et de ses supérieurs hiérarchiques grâce au soutien permanent qu’il reçoit. Le héros se bat pour rétablir une vérité factuelle non pas pour la postérité mais par pur professionnalisme et passion pour son métier, deux points communs qu’il a avec un réalisateur inclassable et fascinant.