Moonee et sa mère vivent dans un motel de l’agglomération de Kissimmee, située non loin du parc Walt Disney d’Orlando. Avec plusieurs copains installés dans des chambres voisines, la petite fille de 6 ans explore tout ce qui l’entoure et fait les 400 coups, tandis que sa mère enchaîne les combines pour subvenir à leurs besoins.
Après Los Angeles pour Tangerine, Sean Baker retrouve un nouvel environnement ensoleillé et particulièrement coloré pour The Florida Project, mis en valeur par le format 35mm choisi par le cinéaste, qui abandonne ici le numérique.
Dès les premières scènes, le réalisateur fait comprendre à son spectateur que Moonee connaît sur le bout des doigts son lieu de résidence et ses alentours. Les motels et restaurants, qui peinent à prolonger l’esprit féérique du monde de Mickey, représentent un terrain de jeu idéal pour la petite fille.
Au travers de séquences qui, au premier abord, paraissent indépendantes les unes des autres, le spectateur découvre la topographie du motel et ses environs, la position des chambres des petits héros, la distance qui les sépare et les différents commerces autour desquels ils traînent pour tromper l’ennui. L’utilité de cette présentation exhaustive mais passionnante des lieux se ressent jusque dans l’émouvante scène finale, durant laquelle la jeune Moonee met une dernière fois à profit sa connaissance parfaite de son environnement.
Dans la première partie, le spectateur comprend également les relations entre les personnages, la liberté que laisse Halley à Moonee et la complicité qui unit la mère et sa fille. Au sein du motel, l’équilibre est par ailleurs maintenu par Bobby, manager bienveillant, patient et à l’écoute des familles. Son affection pour les enfants qui grandissent dans le motel, à commencer par Moonee et sa petite bande, est totalement perceptible à travers de nombreuses scènes qui s’apparentent à des sketchs. Le regard de Willem Dafoe lorsqu’il attend que Moonee et son copain Scooty aient le malheur de faire tomber une goutte de leur glace dans la salle d’accueil symbolise parfaitement sa tendresse ainsi que l’autorité qu’il exerce sur eux.
Les adultes de The Florida Project se soutiennent mutuellement la plupart du temps, ce qui éloigne le regard du spectateur de la précarité dans laquelle ils vivent. Cette dernière est pourtant évidente et tout tourne finalement autour d’elle dans le long-métrage. Au lieu de porter un regard faussement indigné dessus, Sean Baker la filme frontalement et s’attarde avant tout sur les moyens qu’ont les enfants ainsi que leurs parents pour l’affronter. Cela passe par le départ de deux habitués du motel pour la Nouvelle Orléans en quête d’une nouvelle vie, par la vente à la sauvette de parfums de Halley et Moonee et par de nombreuses autres situations tour à tour drôles et poignantes.
En adoptant le point de vue d’une enfant, Sean Baker réussit à dédramatiser bon nombre de séquences et à éviter toute complaisance. Au début du film, la principale préoccupation du spectateur est de savoir quelle ruse compte utiliser la petite fille pour s’acheter une glace. Néanmoins, à aucun moment le long-métrage ne paraît poseur ou en décalage avec la réalité qu’il décrit. La féérie que le réalisateur insuffle au récit n’empêche jamais au spectateur de comprendre le drame qui se joue autour de Moonee et Halley.
A mesure que le film avance, Moonee perçoit de plus en plus les difficultés auxquelles Halley fait face. Si elle n’a pas conscience de la gravité de certaines bêtises, l’enfant assiste à des changements majeurs dans la vie de sa mère. A son jeune âge, le jugement n’existe pas et l’adoration que l’enfant a pour Halley reste intacte. C’est cette acceptation totale des événements dont font preuve les enfants, qui se mêle brillamment à leur insouciance, qui bouleverse dans The Florida Project. Certes tragique, l’aventure de Moonee se caractérise surtout par un refus de toute fatalité brillamment mis en avant par Sean Baker.
Le réalisateur confronte ainsi habilement le besoin d’amusement et d’épanouissement d’une enfant à une situation sociale incertaine et fragile. En dévoilant le parcours de cette jeune héroïne et sa mère, superbement interprétées par Brooklynn Prince et Bria Vinaite, le cinéaste réussit à présenter la vie d’une communauté soudée qui évolue en marge du monde merveilleux et particulièrement propre de Disney World. Sans tomber dans la critique à charge que lui offrait son sujet, Sean Baker dépeint un milieu défavorisé avec justesse et s’attarde avant tout sur des personnages extrêmement attachants, qui nous offrent une parenthèse enchantée dans ce chaos ambiant qu’est l’enfance.
The Florida Project est à découvrir en DVD, Blu-Ray ou VOD dès le 9 mai.