Critique : The Lobster – Never Let Me Go

Affiche du film The Lobster de Yorgos Lanthimos. Sur un fond beig,e nous voyons les mains et le visage de Colin Farrell étreignant une femme. La silhouette de cette dernière est effacée.

S’il ne trouve pas une nouvelle compagne dans les 45 prochains jours, David se transformera en homard. C’est la règle pour les personnes qui ne sont pas en couple. Pour se remettre sur pied et rencontrer le grand amour, David est accueilli dans un hôtel où des speed dating et autres activités sont organisés. En un mois et demi, il devra rencontrer celle avec qui il s’accorde parfaitement, ce qui lui laissera le droit de repartir vivre en ville.

Explorant la vision de l’amour en société, The Lobster est un drôle de film attachant qui plonge néanmoins le public dans un profond malaise. Durant la première partie, le spectateur voit David agir malgré lui et chercher l’amour uniquement pour conserver son apparence humaine. Ce homard ne possède a priori pas de défenses solides et certaines scènes tournent à la torture, à commencer par les parties de chasse visant les Solitaires, ces adeptes du célibat réfugiés dans les bois, ou encore les visites incongrues de la femme de chambre.

Pour son premier film tourné en langue anglaise, Yorgos Lanthimos (Canine) conserve son goût pour l’absurde. Son enchaînement de séquences prend tout son sens grâce à la déviation opérée par le personnage principal. Comme dans Bons baisers de Bruges, Colin Farrell traîne son air pataud dans un environnement clos et trouve une raison de lutter à travers la fuite. L’acteur n’est jamais aussi bon que lorsqu’il interprète des héros fragiles et il trouve ici son meilleur rôle depuis le polar de Martin McDonagh. Les fous rires de The Lobster, c’est en grande partie à sa mine qu’on les doit. Farrell s’adapte à l’absurdité du ton en gardant son regard triste et se révèle extrêmement touchant.

Photo de Colin Farrell et Rach Weisz qui s'étreignent dans le film The Lobster

A l’inverse des protagonistes interprétés par John C. Reilly ou Ben Whishaw, David ne supporte pas longtemps la pression exercée par la société. Certains se plient au totalitarisme du couple, d’autres acceptent leur sort et espèrent trouver leur bonheur en tant qu’animaux. Dans la seconde partie, le spectateur pense qu’il pourra respirer grâce aux jolis paysages du Kerry. Pourtant, l’approche des Solitaires se révèle effrayante et la résistance à l’oppression est tout aussi radicale et violente. Lanthimos n’invente rien dans le propos, mais le fait de se focaliser sur l’amour et l’humour cinglant font tout le charme de The Lobster.

Le deuxième acte est bien plus poétique, porte de nombreux espoirs et regorge de scènes parfois hilarantes, à l’image de ces dialogues codés entre Colin Farrell et Rachel Weisz, partenaire discrète qui s’associe superbement avec la peur de déranger que dégage Farrell. Les séquences tournées en ville présentent de manière totalement dénaturée Dublin, capitale dont on ne verra ici que la grisaille et le centre d’affaires. La ville rappelle Los Angeles dans Her, les couleurs et la population en moins.

Comme dirait l’inénarrable Phoebe dans Friends à propos de Ross et Rachel, Colin Farrell est le homard de Rachel Weisz, son partenaire pour la vie. S’il est une dystopie qui fout le cafard, The Lobster est également une jolie histoire d’amour véritable, portée par deux personnages qui peinent à s’exprimer autrement que par des gestes. Yorgos Lanthimos nous dévoile un couple magnifique obligé de lutter contre leur système qui se rapproche des amants Winston et Julia de 1984. Leur sens du sacrifice bouleverse et vient clore un film qui évoque beaucoup d’univers familiers mais qui ne ressemble pourtant à rien que l’on ait déjà vu.

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