A 16 ans, Jesse tente sa chance à Los Angeles pour une carrière de mannequin. Se faisant rapidement remarquer et apprécier par les professionnels pour sa pureté, elle devient l’objet de convoitises et se perd dans un milieu où la beauté est d’une valeur inégalable.
Dans la première partie du film, Jesse est la proie sans défense de ses concurrentes mais aussi du patron de sa résidence interprété par l’excellent Keanu Reeves, que l’on distingue mal dans l’immeuble terne et inquiétant qu’il gère. Nicolas Winding Refn alterne entre les grands espaces clos où Jesse croise des professionnels et son appartement étroit. Le cinéaste marque ainsi le contraste entre sa nature, ses origines floues et le monde impitoyable qu’elle intègre.
Après Drive, Winding Refn retrouve Los Angeles et utilise l’immense ville comme un lieu à la fois vide, effrayant mais aussi réconfortant. Avec la sublime séquence en boîte de nuit, le réalisateur dévoile les regards lourds que portent les mannequins sur Jesse. Le malaise s’installe et se renforce lors d’un photoshoot tourné dans une pièce immaculée qui accentue sa solitude. Si la tension est totale durant ces scènes, Winding Refn nous accorde tout de même quelques pauses en voiture et sur les hauteurs de la ville.
Cette rare douceur permet de marquer l’évolution de l’héroïne interprétée par Elle Fanning, impressionnante. Si les jeux de lumière et les effets sonores isolent Jesse, elle finit par les maîtriser totalement lors d’un passage clé où ses déviances prennent le pas sur sa fragilité alors qu’elle est sur le devant de la scène. The Neon Demon opère un virage hallucinant et c’est le spectateur que Winding Refn enferme dans un tourbillon visuel et sonore qui ne s’apaisera qu’avec l’ultime plan de cette nouvelle expérience sensorielle.
Durant la seconde moitié, Winfing Refn est plus lent dans son montage et laisse durer des plans qui provoquent un véritable vertige. Le cinéaste allie morbide et sensualité. L’horreur s’installe petit à petit et efface la beauté absolue de Jesse que l’on découvrait dans les premières minutes. En privilégiant l’abstrait et les projections mentales, il réussit à rendre compte de l’oppression subie par l’héroïne et ses concurrentes. Leur envie mène à la démence et entraîne un dénouement radical.
Si l’on pense au cinéma de Dario Argento et à Massacre à la tronçonneuse, nous pénétrons une fois encore pleinement dans l’univers du cinéaste. Les couleurs rappellent Only God Forgives, la trilogie Pusher mais surtout Bronson, où l’on suivait l’entrée d’une brute en prison avec autant d’émerveillement et de rejet que celle de Jesse dans la mode. Nicolas Winding Refn parvient à s’approprier des mondes sur lesquels nous avons tous des visions ou projections singulières et à en livrer sa vision unique où les corps sont détruits par la folie.
The Neon Demon est l’un des films les plus mémorables que l’on ait vu depuis ce début d’année, capable de susciter des émotions et sensations totalement opposées avec la même intensité.