The Nice Guys révèle parfaitement la différence entre un film fun et un film cool. Avec son rythme lent, les bavardages incessants mais réjouissants de ses deux détectives et son immersion dans Los Angeles en pleine période disco, le nouveau long métrage de Shane Black constitue au même titre que Kiss Kiss Bang Bang un fantasme pour les amateurs de buddy movie.
Tout commence de manière classique avec la présentation des héros qui exposent leurs états d’âme en voix off. Mais comme toujours chez Shane Black, il ne faut pas s’attendre à découvrir un divertissement formel. S’il reprend des codes qu’il a lui même créés avec L’arme fatale, le cinéaste continue de les renouveler.
Russell Crowe interprète la brute que l’on appelle pour régler un litige rapidement alors que Ryan Gosling est un détective légèrement gauche qui s’occupe d’affaires insignifiantes par flemmardise. Leur rencontre a lieu et les deux vont devoir collaborer pour retrouver la fille d’une personnalité haut-placée.
Au lieu de marquer les antagonismes comme c’était le cas dans un long métrage comme Le dernier samaritain, Black révèle rapidement leur complémentarité et surtout leur complicité. Il apporte beaucoup de nuances à chacun d’eux grâce à la présence de la fille malicieuse de Ryan Gosling incarnée par Angourie Rice. Son personnage révèle le calme de Crowe, la ruse de Gosling et se montre aussi indispensable qu’eux dans la résolution de l’enquête. Black instaure une relation père-fille aussi drôle que touchante, nous présente des personnages décontractés mais dans le doute et son trio fait probablement partie des protagonistes les plus attachants que l’on verra au cinéma cette année.
Le réalisateur ne s’arrête pas là. Il utilise le comique de situation pour faire avancer son récit et n’hésite pas à faire durer ses séquences, à l’image de cette fabuleuse scène dans les toilettes ou celle de la confrontation avec des jeunes en pleine manifestation. Les longueurs ne sont jamais superflues, servent à la fois le développement des personnages et la plongée dans l’industrie du porno. Dans la présentation de ce milieu, The Nice Guys rappelle The Big Lebowski. Nous suivons deux hommes dépassés par les événements et tous les intérêts en jeu, qu’ils soient politiques ou financiers.
Sans être désintéressés, l’objectif des deux détectives est de se rendre utile et c’est en cela qu’ils s’opposent à la majorité des protagonistes ridicules et allumés qu’ils croisent. Black prend le temps d’amener leur évolution et de développer une intrigue qui ridiculise le glamour d’Hollywood et les ambitions commerciales de personnalités qui tentent d’empêcher la crise automobile au détriment des retombées écologiques.
A tous ces individus bizarres, nous préférons ces deux bras cassés paumés mais nobles et fidèles à eux-mêmes. Shane Black les sublime avec une mise en scène qui allie à merveille l’aspect funky de l’époque et le mystère que les détectives tentent de percer. Jamais clinquant, The Nice Guys dévoile des ralentis toujours efficaces, des plans aériens sur Los Angeles limités mais revendicateurs de l’ambiance fascinante et inquiétante.
Le réalisateur varie et préfère parfois la fuite au spectaculaire comme le prouve la séquence de l’ascenseur. Cela ne l’empêche pas d’être généreux et les scènes d’action arrivent en fonction de l’état d’esprit des deux héros. C’est ce qui fait de The Nice Guys une œuvre cool dans le meilleur sens du terme, dont l’énergie se fait ressentir en permanence même si elle sait s’effacer, à l’instar des standards soul utilisés qui n’avaient pas eu une aussi belle importance depuis longtemps dans un film du genre.