Critique : The Revenant – Regarde les hommes tomber

Poster de The Revenant réalisé par Alejandro G. Inarritu. Sur l'affiche, nous voyons le comédien Leonardo DiCaprio blessé et marqué regarder l'objectif, avec un fond de nature bleuté.

Les ravages de la colonisation, la capacité à survivre dans une nature qui reprend toujours ses droits, la force que peut procurer la soif de vengeance… Les thèmes de The Revenant manqueraient presque cruellement d’originalité si le nouveau film d’Iñarritu n’était pas une expérience sensorielle aussi riche et prenante.

S’ouvrant sur une partie de chasse entre un trappeur et son fils, le long métrage nous immerge, à la manière du fabuleux Nouveau Monde, dans une nature dotée d’une puissance incroyable où les hommes se déchirent pour des biens et des terres. A l’instar de John Hillcoat avec The Proposition et Tommy Lee Jones avec The Homesman, Alejandro González Iñárritu propose une vision désabusée et meurtrière de l’appropriation de territoires occupés qui n’épargneront par leurs futurs habitants.

The Revenant ressemble à une peinture d’époque, à une fable écologique dans la lignée de Jeremiah Johnson, au meilleur survival vu depuis Le territoire des loups mais surtout à un western âpre et rugueux qui continue de faire évoluer le genre. Le western a su montrer l’histoire d’une nation qui s’est construite douloureusement. The Revenant ne déroge pas à la règle et nous plonge dans le froid glacial du Dakota du Nord et du Sud, moins exposés au cinéma que le mythique Ouest américain.

Photographie du film The Revenant. Nous y voyons le personnage incarné par Leonardo DiCaprio ainsi que d'autres protagonistes courir dans l'eau armés de fusils. DiCaprio porte un homme blessé sur son dos.

John Fitzgerald, protagoniste incarné par Tom Hardy qui laissera le héros Hugh Glass pour mort, est un homme à la fois avide de richesses mais également une victime des conflits et d’une nature qui l’effraie mais qu’il a appris à dompter. Il est la caractérisation du pionnier capable du pire par pur égoïsme.

A l’inverse, Hugh Glass, personnage le plus malmené de la carrière de Leonardo DiCaprio, reste en communion avec la nature même s’il a tout perdu, à commencer par sa famille brutalement assassinée. « Nous sommes tous des sauvages » pouvons-nous lire en découvrant le corps d’un Indien pendu par des explorateurs français. Cette phrase s’applique aussi à Glass et Fitzgerald, forcés de s’adapter pour ne pas subir les foudres d’éléments bien plus dangereux que les hommes. Cette sauvagerie a fait d’eux des survivants et est représentée à merveille à l’écran par Iñarritu. Il suffit de repenser au long plan séquence des premières minutes, à la chute d’un cheval dans le vide ou au combat entre un homme et un ours pour ressentir à nouveau la douleur et le froid qui torturent Glass pendant 2h30 particulièrement éprouvantes.

La vengeance du héros n’est qu’un leitmotiv pour l’empêcher de sombrer dans la folie. Peu importe si la mort nous guette et risque de venir nous chercher, l’important est de continuer d’avancer. C’est cette réflexion qui revient à de nombreuses reprises dans The Revenant, où Hugh Glass fait preuve d’une persévérance, d’un sang-froid et d’une animalité à toute épreuve. Grâce à la magnifique photographie bleutée d’Emmanuel Lubezki (The Tree of Life, Les fils de l’homme), le spectateur ne sait jamais s’il voyage dans le pays des morts ou des vivants, terres où rien n’est accueillant, où tout est froid et où l’homme ne semble récolter que ce qu’il a semé.

Photographie de Tom Hardy dans le film The Revenant. Armé d'un fusil, nous pouvons voir le comédien en train de viser.

Tout en grognements et en regards désespérés, Leonardo DiCaprio n’a jamais paru tant souffrir et lutter dans un long métrage. Lorsqu’il entre en contact avec sa femme, le comédien bouleverse et l’on retrouve les émotions de ses confrontations avec Michelle Williams dans Shutter Island. Glass n’est pas qu’un combattant invincible. Chaque interaction avec les autres personnages révèle son ouverture d’esprit, sa proximité avec la nature et sa capacité d’observation affutée. Quant à Tom Hardy , l’acteur est une nouvelle fois impressionnant dans un rôle beaucoup plus bavard et vicieux mais tout de même nuancé. Le comédien n’a aucun mal à nous faire ressentir l’instinct de survie de Fitzgerald mais également sa peur des Indiens et des sévices qu’ils lui ont infligés.

The Revenant est l’un de ces rares longs métrages capables de s’adresser à tous les sens du spectateur. Chaque craquement, chaque flocon de neige et chaque goutte de sang le heurtent mais l’envie de continuer le récit aux côtés de Glass est relancée dès que ce dernier se relève avec une force incroyable. A l’aise avec les grands espaces et maîtrisant parfaitement ses plans séquences et l’utilisation de la caméra à l’épaule, Iñárritu signe une œuvre où la coordination de ses équipes et leur investissement est visible à chaque plan.

Ce contenu a été publié dans Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.