Critique : The Third Murder – Jugez-moi coupable

Affiche de The Third Murder de Hirokazu Kore-eda, sur laquelle les visages des trois personnages principaux sont alignés.

Avocat renommé, Tomoaki Shigemori est chargé de défendre Takashi Misumi, accusé de meurtre et de vol pour lesquels il plaide coupable. 30 ans plus tôt, Misumi avait déjà été emprisonné pour des faits similaires. Alors que tous les éléments laissent présager une condamnation à la peine de mort pour le suspect, Shigemori se met à douter de la culpabilité de son client et cette affaire vient peu à peu chambouler ses idéaux.

The Third Murder s’ouvre sur une scène de meurtre dans laquelle Misumi frappe froidement sa victime avant d’immoler sa dépouille. D’emblée, Hirokazu Kore-eda nous fait comprendre que la recherche d’un coupable ne sera pas le point essentiel du film. Le long-métrage se démarque ainsi immédiatement d’un whodunit classique et le spectateur n’aura pas à recouper durant deux heures tous les indices que le réalisateur veut bien lui donner pour espérer trouver des réponses sur le crime.

Photo tirée de The Third Murder de Hirokazu Kore-eda sur laquelle le personnage de Koji Yakusho est face à un feu, le visage ensanglanté.

Le cinéaste préfère dresser une trame basée sur l’empathie de l’avocat envers son client et sur leurs rapports emplis de compréhension, qui deviennent extrêmement touchants à mesure que le récit avance. La bienveillance qui s’installe entre eux rappelle celle que l’on percevait entre Mark Rylance et Tom Hanks dans Le Pont des Espions, et qui donnait lieu à l’une des plus belles relations cinématographiques de ces dernières années. Comme le personnage de Hanks dans le film de Spielberg, Shigemori va à l’encontre de son système pour comprendre un homme finalement plus intrigant qu’inquiétant.

L’attachement qu’il développe envers Misumi, et que le spectateur développe également, permet à Kore-eda d’en dire plus, mais jamais trop, sur la famille de ce mystérieux client. Une nouvelle fois, il reprend donc une thématique qu’il maîtrise totalement et qu’il n’a cessé d’explorer tout au long de sa filmographie. La transmission et le choix de ce que l’on décide de léguer, qu’ils se caractérisent par des actes ou des discours, deviennent peu à peu les thèmes prégnants du long-métrage. Un dialogue entre Shigemori et son père appuie parfaitement cette impression. Il prouve par ailleurs que le réalisateur réussit à donner en quelques scènes une place capitale à des personnages secondaires.

Photo tirée de The Third Murder de Hirokazu Kore-eda, sur laquelle trois personnages sont vus du ciel, allongés dans la neige.

La solitude du meurtrier présumé, individu brisé par son passé et par les décisions arbitraires de l’existence, provoque donc une profonde remise en question chez l’avocat totalement dévoué à son métier mais absent pour sa famille. Dans sa dernière partie, Kore-eda laisse certaines questions en suspens, ce qui donne encore plus d’ampleur aux décisions de Misumi, homme prêt à se sacrifier pour palier à la chance injuste à laquelle il estime avoir eue droit. En plus de l’impact émotionnel créé par les choix inattendus du suspect, le cinéaste met en avant le désarroi poignant de son avocat, dépassé par les interrogations provoquées par l’affaire et par le manque d’implication de ses confrères, prêts à bâcler le jugement d’un homme pour ne pas salir leur réputation.

Sans être pessimiste, Kore-eda laisse son spectateur avec le sentiment que cette histoire ne pouvait se terminer autrement et lui confirme que la vérité n’était bien qu’un détail. Le plan final nous rappelle, au même titre que le rythme lent du long-métrage sublimé en permanence par des mouvements de caméra extrêmement discrets et gracieux, que le doute est le meilleur rempart au cynisme mais qu’il s’applique difficilement au métier d’avocat. S’il débute comme un thriller avant de basculer progressivement dans le film de procès, The Third Murder est avant tout un drame familial bluffant, qui réussit à brasser des interrogations universelles sans jamais avoir la prétention de livrer les bonnes réponses.

The Third Murder est disponible en DVD et Blu-Ray à partir du 5 septembre 2018.

Ce contenu a été publié dans Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.