Critique : The Witch – La Forêt interdite

Affiche du film The Witch de Robert Eggers, sur laquelle nous voyons une femme nue dans une nuit de pleine lune en pleine forêt.

Bannie de son village de Nouvelle Angleterre, une famille tente de planter ses racines dans un champ désert. Après leur installation, le plus jeune enfant disparaît. Un climat pesant s’installe et les parents commencent à penser qu’ils sont victimes d’une malédiction.

Drame familial à la fois envoutant et oppressant, The Witch montre parfaitement les dérives provoquées par l’isolement et la hantise. En filmant dans un paysage inhabité que les personnages ne parviennent jamais à conquérir, Robert Eggers fait émerger un danger invisible vis à vis duquel on doute d’abord de sa nature puis de son existence.

Si le cinéaste donne des signes évidents au début de l’œuvre, il les efface petit à petit avec les réactions d’une famille obsédée par la religion. A chaque nouvelle épreuve, les parents réfutent toute possibilité rationnelle et préfèrent se fier à leurs convictions plutôt qu’à leur bon sens. Ils sont suivis par leurs deux plus jeunes enfants constamment influencés, à l’inverse des deux aînés qui réagissent avec beaucoup plus de spontanéité et suivent leurs émotions.

Photo du film The Witch dans laquelle nous voyons une famille manger autour d'une table dans une pièce très sombre éclairée par des bougies.

Ces deux visions opposées mènent à l’éclatement de la famille qu’Eggers filme de plus en plus cloîtrée à mesure que le film avance. La sorcière n’est alors plus l’inquiétude principale du spectateur qui voit ces pèlerins se détruire. Au lieu d’agir, les parents sont passifs et la volonté des deux enfants fait basculer le film dans une dernière partie sauvage et onirique.

En montrant les fondements de l’Amérique puritaine du XVIIème siècle, Robert Eggers profite également de l’époque pour enfermer les protagonistes dans une nature qu’ils sont incapables de dompter. S’il est difficile d’utiliser la forêt comme cadre de mise en scène, le cinéaste réussit néanmoins à en capter la beauté, l’immensité et la peur qu’elle a le don de susciter.

Paralysés par leur malédiction, leur foi et la nature, les parents sont incapables de créer des récoltes, chasser, mener une vie paisible et prendre une décision. Le travail de reconstitution d’Eggers renforce leur difficulté à demander du secours ou à se déplacer. Leur confort rudimentaire, la froideur du climat et la maigreur des visages sombres s’accentuent et ces détails créent un malaise bien plus profond que les rares visions d’une sorcière dont l’ombre plane en permanence.

Photo de The Witch sur laquelle nous voyons les deux parents travailler la terre près de leur maison.

La peur est constante et Eggers ne confronte que très peu son spectateur à l’horreur. The Witch en devient ainsi encore plus angoissant. Le long métrage s’impose comme un film d’épouvante très réussi en plus d’être un drame familial passionnant. La menace est palpable, le doute est perpétuel et les personnages ne sont pas fiables mais le spectateur a tout de même l’espoir de voir la jeune héroïne incarnée par Anya Taylor-Joy s’émanciper.

Sa libération est aussi radicale que la pression qu’elle subit. Si elle impressionne esthétiquement, la conclusion est surtout marquante parce qu’Eggers assume l’atmosphère fantastique de son film tout en dévoilant parfaitement l’aliénation d’une famille ridiculisée par son intégrisme.

En convoquant des événements historiques marquants dans l’histoire des Etats Unis à l’image de la mise à mort des sorcières de Salem, Robert Eggers signe un long métrage qui trouve un équilibre entre son mysticisme et sa volonté de montrer l’aspect destructeur du conditionnement familial. La paranoïa s’allie à merveille aux visions maléfiques et font de The Witch une excellente surprise.

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