Critique : True Detective, Saison 2 – Les derniers bagarreurs

Poster de la saison 2 de True Detective. Nous y voyons l'un des héros interprété pr Colin Farrell brandir un poing américain.

Moquée sur le web, la deuxième saison de True Detective semble déjà oubliée alors que la première avait suscité une vague d’enthousiasme et des attentes rarement égalées. Pourtant, si cette suite a sans doute été écrite trop vite et laisse à plusieurs moments le spectateur confus, elle présente tout de même une galerie réussie de personnages paumés et souvent désarmants ainsi que des moments de tension marquants et l’immersion dans une ville industrielle californienne totalement corrompue.

Les monologues de Matthew McConaughey, les sectes de l’Amérique White Trash et les empilements de corps nous avaient laissés pantois. La pression était lourde pour le renouvellement du show instantanément culte. La bonne idée du scénariste Nic Pizzolato est d’avoir su conserver l’idée de base, de vrais flics se débattant dans un paysage poisseux et malsain, et de l’avoir transposée dans un environnement complètement différent. Après la Louisiane, c’est dans la Californie que se déroule ce récit très noir et plus particulièrement dans la ville ouvrière de Vinci, radicalement opposée aux plages ensoleillées de Malibu mais aussi aux villes et quartiers comme Compton ou Crenshaw.

Ce monde n’est pas toujours celui que l’on mérite et paraît de plus en plus difficile à cerner. C’est ce que ressentent les quatre personnages principaux, d’anciennes gloires à qui l’on reproche aujourd’hui ce qui causait leur admiration hier. Il y a Colin Farrell, exceptionnel dans le rôle d’un flic ayant basculé dans la violence. Farrell enfreint la loi pour régler ses comptes et passe pour une ordure, incapable d’assumer la garde d’un fils qui semble effrayé par son père. On a l’impression de revoir le charismatique et touchant Sonny Crockett de Miami Vice avec quelques galères, litres d’alcool et grammes de coke en plus mais conservant une volonté et une rage insatiables. Avec Rachel McAdams, le comédien forme un duo à l’alchimie clairement visible. Leur méfiance et leur façon de s’observer permet une véritable évolution dans leur relation, éloignée des rapports tendus entre McConaughey et Harrelson.

Photographie de la saison 2 de True Detective. Nous y voyons les personnages interprétés par Rachel McAdams et Colin Farrell, assis dans un bar en train de discuter face-à-face.

Il y a également Taylor Kitsch, qui trouve son meilleur rôle depuis Friday Night Lights en ancien membre des forces spéciales traumatisé et cherchant une vie loin des conflits. L’équipe qu’il forme avec Farrell et McAdams est d’une efficacité redoutable tant chacun refuse à sa manière tous les compromis désastreux qui leurs sont proposés. Enfin, moins convaincant, Vince Vaughn est tout de même épatant dans le rôle d’un caïd refusant de céder sa place à la concurrence, ambigu et souffrant d’un sérieux manque de confiance.

Au fil des épisodes, on perd puis l’on retrouve le chemin d’une intrigue tour à tour fumeuse et captivante. Mais, au même titre que la conclusion de la saison 1, ce ne sont pas les révélations des membres corrompus qui nous intéressent. Ce qui compte, c’est la trajectoire que prendront ces âmes errantes et dépassées qui savent faire preuve de cran et d’une loyauté bouleversante. Encore une fois, le destin de nos héros se joue dans deux épisodes où l’on préfère s’attarder sur leurs sentiments plutôt que le dénouement d’un sac de nœuds finalement secondaire. La dernière réplique de Farrell, le combat dans les bois, la puissance de Taylor Kitsch, la ténacité de Vince Vaughn et les espoirs de Rachel McAdams suffisent à nous convaincre de la réussite d’une saison parfois maladroite, parfois ridicule mais constamment sincère.

Photographie de la saison 2 de True Detective. Nous y voyons le personnage interprété par Colin Farrell, masqué par une cagoule et faisant signe de se taire avec un air menaçant.

Nic Pizzolatto continue de nous dire qu’il est possible de rendre un peu moins moche notre environnement. L’aspect désespéré de son œuvre fonctionne toujours autant mais ne rend jamais True Detective déprimante. Au contraire, les personnages ne regardent jamais le sol et leurs convictions renforcent la tension d’une affaire qui manque de rebondissements et n’est qu’un complot politique aux intérêts financiers pervers.

Colin Farrell cogne un père de famille respectable au poing américain, Rachel McAdams rejette toute la sensibilité de son entourage et préfère s’entraîner au corps à corps, Vince Vaughn est un ancien truand obligé de replonger et Taylor Kitsch n’assume pas son homosexualité. Leurs démons, les héros les portent jusqu’au bout et tentent de s’écarter du monde glauque dans lequel ils vivent grâce à leur solidarité.

L’objectif n’est pas de légitimer la vengeance et le vigilantisme mais de savoir s’il est possible de trouver un équilibre lorsque l’amour s’est évaporé et que ce qui nous entoure se résume à des ruelles sales. A cette interrogation, Pizzolatto répond de façon émouvante et le final de cette deuxième saison est peut-être plus marquant que celui de la première pourtant bien plus réussie dans l’ensemble et surtout dans sa mise en scène. Les plans aériens sur le périphérique californien, la voix de Lera Lynn dans un bar miteux et une fusillade au milieu des civils perpétuent néanmoins l’étouffement, la mélancolie et la violence que l’on ressentait lors de la première découverte. Malgré ses défauts évidents, True Detective reste supérieure à la plupart des séries actuelles et assume son propos jusqu’au bout en créant une ambiance unique que l’on espère retrouver.

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