Après Avengers et juste avant Lucy, Scarlett Johansson fait une pause dans les longs métrages destinés aux moins de 14 ans et tente de nous prendre au dépourvu avec Under The Skin. Comme elle nous l’avait prouvé quelques mois auparavant avec Her, son meilleur film depuis bien longtemps, c’est lorsqu’elle s’entoure de réalisateurs tournés vers un cinéma sensoriel qu’elle nous surprend véritablement.
Là où sa voix était primordiale dans le long métrage de Spike Jonze, c’est son corps qui fait tout l’intérêt d’Under The Skin. La star interprète une jeune femme énigmatique qui séduit des hommes solitaires avant de refermer sur eux un piège meurtrier. Quasiment muette, on ne connaît rien des motivations de son personnage et Under The Skin est une expérience qui laisse une grande part au mystère et à l’irrationnel.
Jonathan Glazer, à qui l’on doit le brutal Sexy Beast, nous immerge dans une intrigue qui mêle habilement science-fiction et thriller et offre au spectateur le privilège de développer sa propre réflexion à partir de sa mise en scène chirurgicale. Si Under The Skin est loin d’être exempt de défauts, découvrir un film de genre aussi libéré et peu calibré est une chose rare par les temps qui courent.
Glazer place son récit en Ecosse, dont les paysages magnifiques contrastent parfaitement avec le propos fantastique. Johansson découvre sa nature dans un décor naturel alors qu’elle est imperméable à la réalité et a pour unique but de traquer des hommes guidés par l’attraction des corps. Si ses ambitions initiales ne sont jamais révélées, elle se retrouve néanmoins victime de son empathie et le long métrage prend un nouveau souffle dans une deuxième partie captivante et déroutante.
Il est extrêmement agréable pour le spectateur de se laisser porté par une histoire singulière où tout n’est pas expliqué et tamponné à l’écran. Oui, l’ouverture restera énigmatique et chacun pourra se faire son interprétation. Le film de Glazer est long et considéré par beaucoup comme un ovni nombriliste qui n’a rien à raconter. Mais à nos yeux, Under The Skin est une œuvre forte qui présente l’évolution d’un protagoniste à la fois détestable et profondément attachant. A travers les yeux de Johansson, Glazer réévalue la beauté des gestes simples, du corps humain et du monde dans lequel il change. Il nous émeut en filmant un réel qui n’a rien d’extraordinaire mais qui devient fascinant grâce à ses imperfections, ses visages marqués et ses paysages gris et brumeux. Comme Spike Jonze nous le disait avec Her, il est nécessaire de remettre à leur place les interactions humaines. Le message est certes facile, mais la forme est tellement intéressante et risquée que son impact en est décuplé.
Porté par une Scarlett Johansson magistrale, Under The Skin est un long métrage qui mérite largement le coup d’œil. Après Sexy Beast et Birth, Jonathan Glazer continue ses expérimentations et offre à son public un film hors du commun et à l’opposé des tendances actuelles. Si elle ne fera en aucun cas l’unanimité, l’oeuvre restera dans les mémoires pour sa volonté de ne pas brosser le spectateur dans le sens du poil. Et cela ne peut que lui être bénéfique.