Critique : Une belle fin – Lovely Bones

Affiche d'Une Belle Fin d'Uberto Pasolini. Nous y voyons le comédien Eddie Marsan regarder vers le ciel. Il porte une mallette et quelques photos de famille semblent être tombées.

John May a un travail particulier. Lorsqu’une personne sans famille décède, John a pour objectif de retrouver ses proches. Si le défunt n’a aucun entourage, il se rend seul à l’enterrement pour l’honorer.

Le second long métrage d’Uberto Pasolini traite d’un drôle de sujet. Le cinéaste dédramatise la mort en l’abordant sous un angle singulier. Pasolini s’intéresse aux conséquences de la mort, au fait de l’aborder seul et à la force des souvenirs. En décrivant méticuleusement le travail de John May, il nous fait comprendre les dernières heures de plusieurs individus que l’on ne croise pas mais que l’on a l’impression de connaître grâce à la sensibilité du personnage principal.

S’il n’a aucune interaction directe avec ses « clients », John May fait pourtant beaucoup de choses pour eux. Ce modeste héros est un solitaire généreux qui offre ses services à des personnes qu’il ne verra jamais. Pasolini écarte la crainte de la mort et présente cette dernière comme un élément de rapprochement ou au contraire d’éloignement. Il ancre son récit dans un quartier londonien et provoque l’émotion à travers l’histoire de cet homme qui s’intéresse à des gens oubliés dans cette immense fourmilière.

Photo d'Eddie Marsan dans le film Une belle fin. l'acteur semble perdu dans une gare et effectue une pose similaire à celle de la statue placée à sa droite.

Pasolini dresse un parallèle entre la routine que vit John May et le destin des disparus et le spectateur se questionne sur son sort. Pourtant, même s’il côtoie chaque jour des laissés-pour-compte, May n’est jamais effrayé vis à vis de la solitude et paraît même tranquille.

Dans la seconde partie, le cinéaste lui offre une nouvelle chance et durant un dernier dossier, May va s’ouvrir et bouleverser ses habitudes grâce à un défunt énigmatique qui a laissé quelques indices derrière lui. La quête devient alors personnelle pour May et malgré les plans serrés et immobiles de Pasolini, nous ressentons la libération du protagoniste et sa volonté de connaître des choses nouvelles. De son voyage, nous nous rappellerons d’un fabuleux échange avec deux clochards et un vétéran aveugle qui se souviennent de ce mystérieux ami décédé. Pasolini parle de l’importance de chaque individu aux yeux des autres et de leur insignifiance aux yeux du monde. C’est ce qui fait de John May un personnage magnifique et hors de son époque. A l’heure où les incinérations sont industrialisées et impersonnelles se dresse un petit homme qui souhaite offrir une belle fin à ses voisins de quartier.

Eddie Marsan est un grand acteur. Au delà de ses seconds rôles dans des grosses productions (Sherlock Holmes, Blanche Neige et le chasseur), le comédien nous avait particulièrement surpris en pourriture dans Tyrannosaur et en partenaire humilié dans Ordure. Dans Une belle fin, il trouve son plus beau rôle et nous touche à chaque scène grâce à la candeur qu’il dégage. Pasolini amène son héros vers une fin logique, teintée d’une ironie qui sera balayée par des plans qui, s’ils manquent d’originalité, renforcent le propos humaniste de Pasolini. Le cinéaste a réussi, à l’instar de certains réalisateurs tels que Jonathan Glazer (Birth), à montrer la mort sous un jour inhabituel et à analyser sans complaisance mais avec humour et simplicité les conséquences parfois magnifiques qu’elle engendre.

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