Ce qu’on ne peut pas reprocher au réalisateur des Bronzés, c’est de s’être intéressé à des genres complètement différents. Prolifique, Patrice Leconte s’est essayé à la comédie et a signé quelques uns des plus gros succès nationaux, au drame sentimental (La fille sur le pont), au thriller (Monsieur Hire), au documentaire (Dogora) et plus récemment au film d’animation (Le magasin des suicides).
On croyait l’avoir perdu avec Les Bronzés 3, immondice beauf qui n’inspirait que le mépris et cachait mal ses ambitions financières. Lorsqu’on a vu qu’il s’attaquait à l’une des nouvelles les plus poignantes de Stefan Zweig, Le voyage dans le passé, on a d’abord eu très peur. L’auteur dont Wes Anderson vient de s’inspirer pour The Grand Budapest Hotel, spécialiste des non-dits, des rapports humains passionnels et tragiques, paraissait extrêmement compliqué à adapter.
Ses œuvres ont fait l’objet de longs métrages qui sont en grande partie des téléfilms allemands inconnus ou oubliés. L’exercice semblait donc difficile mais attisait tout de même la curiosité.
Si Une promesse ne nous a pas transcendés et ne marquera pas les esprits, il faut néanmoins reconnaître l’application de son cinéaste qui s’est réapproprié l’histoire et a décidé de tourner son long métrage en langue anglaise. Cela lui permet d’ailleurs de faire appel à trois comédiens britanniques habitués du théâtre qui constituent l’atout majeur du film.
Cette histoire d’amour impossible sur fond de Première Guerre Mondiale (Zweig a toujours dénoncé la montée du fascisme) est passionnante mais elle manque d’intensité et d’audace dans sa mise en scène. Si la réalisation est volontairement classique et soignée, elle s’avère cependant trop lisse pour convaincre. C’est dommage car Leconte dispose d’un récit fataliste et bouleversant. S’il n’arrive pas à nous terrasser, c’est parce qu’il a fait à nos yeux les mauvais changements dans son scénario.
On ne peut en aucun cas blâmer sa démarche car c’est le but même d’une adaptation cinématographique. Mais ici, on perd toute cette dimension fataliste et le pessimisme qui reflétait l’œuvre de Zweig. Le traitement chronologique de l’histoire enlève toute la mélancolie de la nouvelle qui débutait par des retrouvailles lors d’un voyage en train et amenait sur le souvenir des deux personnages principaux.
Au final, Une promesse est une œuvre propre mais trop sage, d’autant plus que le septième art regorge d’histoires romantiques impossibles. Ce couple, on le connaît, on l’a déjà vu chez Victor Fleming, chez Sidney Pollack et plus récemment chez Joe Wright ou Cary Fukunaga. Malheureusement, Patrice Leconte n’arrive pas à susciter chez le spectateur les émotions qu’il ressentait avec ces réalisateurs.
Malgré cette déception, on retiendra tout de même la performance de Rebecca Hall (Vicky Cristina Barcelona) qui continue d’impressionner dans le rôle de cette épouse prisonnière de sa situation et des changements de son pays. Face à elle, Alan Rickman (Harry Potter) est d’une sobriété impériale. On réussit à douter de la sincérité de leurs sentiments et leurs motivations ne sont jamais claires. Si Richard Madden (Game of thrones) est un cran en dessous, il n’en reste pas moins impeccable et s’impose sans problème face à ses deux partenaires.
Une promesse n’est malheureusement pas l’adaptation que l’on attendait du Voyage dans le passé. Cependant, le travail au niveau de la reconstitution et la volonté de s’approprier le matériau d’origine se font clairement ressentir. Il aurait peut-être fallu nous faire vivre l’attente plus longuement et mettre en avant ce message tragique qui nous affirme que seuls les souvenirs résistent au temps.