Si l’on devait dresser une liste de nos films préférés depuis ce début d’année, De rouille et d’os ne serait pas loin de la première place. Jacques Audiard (Un prophète), on l’aimait déjà beaucoup avant, mais avec cette très belle perle, on l’apprécie encore plus. Après un grand nombre d’adaptations romantiques toutes plus foireuses les unes que les autres, Audiard débarque pour dynamiser un genre que l’on croyait épuisé depuis un moment.
Ali vient s’installer à Antibes avec son fils et trouve rapidement un emploi en tant que videur de boîte de nuit. Un soir, il sépare une femme et un homme d’une bagarre. Cette femme, c’est Stéphanie. Il décide de la raccompagner chez elle et s’immisce quelques minutes dans son quotidien. Peu après, Stéphanie est victime d’un grave accident et se fait amputer des deux jambes. Un soir de travail, Ali reçoit un coup de fil de Stéphanie. C’est ainsi que débute une amitié touchante et atypique.
De rouille et d’os est la parfaite alchimie d’un script maîtrisé de bout en bout embelli par une mise en scène sans fioritures, toujours juste et l’interprétation de deux comédiens en état de grâce. C’est bien connu, Audiard est un excellent directeur d’acteurs mais alors là, Cotillard et Schoenaerts nous mettent tout simplement une grosse claque dans la gueule. Avec Marion, c’est pas toujours l’amour fou. Les manières qu’elle a eues dans ses dernières productions hollywoodiennes (Public enemies, Inception) commençaient à nous agacer. Mais ici, on repart à zéro et ce n’est plus celle qui a joué Edith Piaf que l’on voit mais Stéphanie. Elle est plus vraie que nature, habitée par son rôle et ses regards sont désarmants. Si ça ne tenait qu’à nous, on lui filerait le César illico car elle vient de tourner dans ce qui est probablement son meilleur film. Quant à Schoenaerts, nous l’avions loupé dans Bullhead mais le belge est un monument de fureur animale, imprévisible mais profondément attachant. Leur complicité et leur parcours inhabituel font d’eux l’un des plus beaux duos de ces dernières années.
Audiard évite la mièvrerie et traite son sujet avec une simplicité qui nous scie. Il filme les combats clandestins avec grâce et trouve de la délicatesse chez un type comme Schoenaerts, qui a surement pris de court pas mal de spectateurs qui étaient bien contents d’avoir un paquet de Kleenex à portée de main. Il aborde des sujets sensibles tels que l’handicap et ne pose jamais un regard de pitié sur ses protagonistes. Leurs drames respectifs n’occupent jamais tout le film car Audiard préfère les faire évoluer, passer à autre chose et cela fait un grand bien au spectateur, qui prend l’œuvre comme une véritable thérapie. Le cinéaste signe un long métrage audacieux, poignant qui met en scène des personnages courageux, jamais victimes de leur sort et toujours en quête d’une solution.
Mais les deux têtes d’affiche ne sont pas les seuls qui doivent être saluées. Quel plaisir de croiser Bouli Lanners (Louise Michel), Céline Sallette (L’apollonide) et le petit Armand Verdure dans le rôle du fils d’Ali, révélation que l’on espère retrouver très vite.
De rouille et d’os est l’un des meilleurs films que le cinéma français nous a offerts cette année. Peut-on le qualifier de chef d’œuvre ? Pour nous oui. Audiard traite son sujet de la meilleure manière et voir des individus qui ont la hargne et l’envie de vivre, ça donne une pêche monstre, même s’ils sont derrière un grand écran.