Steven Soderbergh s’est intéressé en moins de deux ans aux chippendales entrepreneurs, aux virus susceptibles de contaminer toute la planète, aux espions adeptes de MMA et aux médicaments peu recommandés. L’homme tourne vite mais pas toujours très bien. S’ils n’étaient en aucun cas de mauvaise qualité, Contagion et Piégée nous avaient quelque peu laissés sur notre faim. Soderbergh réalise ses films à une telle vitesse qu’il y en a forcément un ou deux qui paraissent bâclés.
Avec Magic Mike, Soderbergh avait réussi à déguiser sa vision désabusée de l’American Dream en divertissement pour midinettes fans de Channing Tatum et Matthew McConaughey. Ici, il nous prend une nouvelle fois par surprise en mettant en scène un pur thriller hitchcockien travesti en drame sur les scandales de l’industrie pharmaceutique.
La bande-annonce nous faisait découvrir le personnage d’Emilie, une jeune femme dépressive qui, après avoir demandé de l’aide au psychiatre Jon Banks, ne contrôle plus ses actes à cause des effets secondaires des pilules que ce dernier lui a prescrit. Evidemment, tout cela reste le sujet principal mais Soderbergh préfère développer ses personnages et leur côté manipulateur plutôt que l’aspect social de l’affaire comme il l’avait fait dans Contagion.
Le spectateur est donc dérouté à cause des nombreux rebondissements et là où l’on s’attendait à une critique féroce de ce milieu douteux, nous avons droit à un pur film de genre. S’il expédie certains de ses longs métrages, il faut tout de même admettre que Soderbergh est très doué pour mettre en place des ambiances oppressantes. Dans Contagion, le climat paranoïaque et les malaises causés par le virus étaient très bien retranscrits. Dans Magic Mike, c’est la volonté de Channing Tatum de vouloir réussir à tout prix qui pouvait surprendre et l’environnement légèrement glauque dans lequel il évoluait. Ici, ce qui heurte le public, ce sont les relations perverses qu’entretiennent les protagonistes entre eux et les crises vécues par Emilie.
La grisaille de son quotidien et sa tristesse omniprésente sont renforcées par la photographie assez sombre de l’œuvre. Ici, Jude Law n’est plus le profiteur du scandale comme dans Contagion mais la victime principale qui se lance dans une enquête acharnée pour prouver son intégrité. Jusqu’au bout, nous doutons de la sincérité de ses actes et Soderbergh nous envoie dans les vingt dernières minutes quelques twists qui, s’ils ne sont pas renversants, se révèlent en revanche très bien pensés. Le comédien britannique est convaincant et le duo qu’il forme avec Rooney Mara (Millenium) ne manque pas d’ambiguïté.
Effets secondaires n’est clairement pas le film de l’année et nous sommes persuadés que si Soderbergh avait su mettre en boîte ses œuvres avec plus de patience, cela lui aurait permis de signer des longs métrages réellement aboutis et pas uniquement des divertissements de bonne facture. Le boulimique a décidé de mettre un terme à sa carrière de réalisateur, ce qui démontre qu’il a tendance à vite partir dans les extrêmes et a du mal à trouver le juste milieu. Pour se consoler, nous pourrons assister au mois de septembre à Ma vie avec Liberace, son cadeau d’adieu qui a fait polémique aux USA et qui prouve l’engagement d’un touche-à-tout malheureusement trop gourmand.