Critique : Holy Motors – La dernière croisade de Leos Carax

Affiche du film Holy Motors sur laquelle nous distinguons la silhouette d'un corps aux yeux illuminés devant un fond vert.

Sélectionné au dernier Festival de Cannes, Holy Motors en est malheureusement reparti bredouille, laissant pas mal de spectateurs dans l’incompréhension. Œuvre complexe et sublime, le dernier long métrage de Leos Carax (Les amants du Pont-Neuf) fera de toute façon date, avec ou sans médailles.

Nous nous immisçons dans la vie de Monsieur Oscar le temps d’une journée à bord de sa limousine blanche qui l’emmène de rendez-vous en rendez-vous. Le travail de cet homme consiste à se glisser dans la peau de plusieurs personnages pour quelques heures et de vivre leur vie. Après s’être transformé en père de famille, clochard et vieillard au bord de la mort, Monsieur Oscar est épuisé et se pose tout un tas de questions sur la vie, sur son métier…

Il nous aura fallu un petit moment pour pénétrer dans le film de Leos Carax. Silencieux mais bavard dans son propos, bourré de références y compris aux anciennes oeuvres de son cinéaste, lent, Holy Motors a été qualifié à maintes reprises de branlette intellectuelle prétentieuse et nous étions convaincus de dire la même chose en sortant de la salle à la vue des premières séquences. Certes, la beauté des plans est renversante et le tout est totalement maîtrisé mais on ne va pas dire qu’on a trouvé ça passionnant.

Photo du personnage Monsieur Merde du film Holy Motors de Leos Carax, interprété par Denis Lavant. Monsieur Merde s'apprête à pénétrer dans une bouche d'égout.

Puis, après avoir saisi le concept que nous n’avions pas voulu découvrir suite à l’engouement suscité à Cannes, il faut avouer que la plupart des scènes nous ont scotchés. Denis Lavant effectue une performance remarquable et bluffante et tous les rôles lui vont à merveille. C’est probablement l’une des meilleures interprétations de ces dernières années. Evidemment, tout n’est pas parfait et certains dialogues, notamment lorsque le comédien parle avec Kylie Minogue, sonnent faux et le spectateur sera plus séduit par certains rôles que par d’autres mais le travail dans son ensemble est époustouflant. Carax pose des questions sur la nécessité de l’art qui ont déjà été abordées mais il le fait avec une telle audace et sincérité, aussi bien dans la forme que dans le fond, qu’elles en sont toujours aussi touchantes et le spectateur est ému de voir deux artistes se livrer complètement en remettant en cause leur condition. Qu’ils se rassurent, il y a toujours un paquet de monde présent pour les apprécier et continuer à suivre leurs longs métrages.

Holy Motors est également un très bel hommage au cinéma et à tous ses genres, revisités avec brio. Carax salue la technique, s’offre un passage dans le mélodrame, le thriller et l’horreur. Fataliste, son film n’est pourtant pas dénué d’humour et de gaieté, et retrouver Monsieur Merde dans les rues de Paris trois ans après Tokyo est un véritable plaisir. Lorsqu’il s’accorde une pause lors d’un entracte, il entraine tout son public dans une église pour une danse mémorable.

Il est clair qu’il faudra revoir Holy Motors plusieurs fois pour en apprécier toute la richesse. Leos Carax, réalisateur trop rare, vient d’insuffler une belle dose de créativité dans un cinéma français bien terne. On se demande où est passé le prix de la Mise en scène du Festival de Cannes mais si une œuvre avait besoin de récompenses pour briller, ça se saurait.

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