Le destin est une notion compliquée. Certains pensent que l’on est maître de notre parcours. D’autres ont la conviction que rien n’arrive par hasard, que tout est tracé. C’est le cas de Jeff, hurluberlu de trente ans qui vit encore chez sa maman et est persuadé d’être voué à une destinée exceptionnelle.
Pour le moment, Jeff fume son bang tranquillement dans le sous sol de la résidence familiale, entre deux clubs sandwichs jambon moutarde. Le destin finira bien par se pointer pour lui prendre la main et l’emmener vivre de grandes aventures. Et pourquoi pas aujourd’hui d’ailleurs ? Si ce coup de fil destiné à un certain Kévin était finalement l’élément déclencheur de nombreuses péripéties qui changeront à jamais sa vie ?
Les frères Duplass sont de retour dans le genre qu’ils ont réussi à transcender avec Cyrus, la comédie. Après Jonah Hill (Supergrave) et John C. Reilly (Frangins malgré eux), c’est un autre membre de la bande Apatow qu’ils mettent en scène, l’excellent Jason Segel (Les Muppets). Et dès le départ, l’association fonctionne très bien. Dans son physique, son regard et sa démarche, Segel correspond parfaitement à Jeff et à l’image qu’on se fait de lui : le rêveur mou attachant. Le héros est l’inverse de son frère, Pat, marié, responsable mais incapable de gérer sa vie de couple à cause de son égoïsme grandissant.
L’un a choisi l’imagination, l’autre le confort. Au milieu de tout ça, leur mère, Sharon, est perdue et n’arrive plus à vivre sa vie pleinement depuis le décès de son mari. La mort du père constitue d’ailleurs l’élément central du film et paralyse les trois personnages qui ne parviennent plus à trouver leurs repères. En basant l’évolution des trois sur cet événement, les frères Duplass réussissent à amener des enjeux dramatiques et confèrent à cette comédie une profondeur qui surprend de bout en bout. Pourtant le deuil est loin d’être le sujet principal et est abordé uniquement lors d’une scène clé.
Les frères Duplass préfèrent se rabattre sur les ressorts comiques. En choisissant de concentrer leur récit sur une journée, ils réussissent une nouvelle fois à apporter un brin d’originalité à ce scénario qui aurait pu être très creux. Le long métrage est assez court, le spectateur n’a pas le temps de s’ennuyer, les réalisateurs ne s’égarent jamais et toutes les situations s’enchaînent sans temps mort. On ne sait jamais où Jeff va nous emmener et l’élément de surprise est présent jusque dans les dernières minutes, même si le destin réserve une évolution assez logique à cette famille commune mais néanmoins touchante. Si la forme vous rappelle quelque peu Very Bad Trip, Jeff who lives at home n’a pourtant rien à voir avec l’œuvre de Todd Philips. Ici, l’émotion remplace le côté trash et si vous cherchiez un message dans la beuverie version cinéma, vous le trouverez peut être ici.
Segel est excellent dans le rôle de Jeff et est entouré par deux comédiens talentueux. Ed Helms, le dentiste hystérique de Very Bad Trip justement, est parfaitement antipathique tandis que Susan Sarandon (Thelma et Louise) est égale à elle-même. C’est certain, elle fait partie des meilleures actrices américaines et continue de nous bluffer à travers ses choix de carrière discrets mais pertinents.
Jeff who lives at home est donc une petite surprise indépendante agréable, sans prétention, drôle et attendrissante. Les frères Duplass ont définitivement un style qui leur est propre et réussissent à aborder avec humour des problèmes sociaux sans jamais être trop bavards. Deux artistes à suivre qui sont malheureusement trop méconnus dans l’Hexagone.
Jamais entendu parlé. En tous cas j’y jetterai un oeil. Merci