Critique : La délicatesse – « L’art et la manière, trop peu d’artistes »

Affiche du film La délicatesse de David et Stéphane Foenkinos sur laquelle Audrey Tautou se touche le cheveux de profil alors que François Damiens entre dans la salle où elle se trouve au second plan.

La délicatesse est le premier film de deux frères, Stéphane et David Foenkinos, inspiré du roman éponyme écrit par le deuxième. Le livre, sorti en 2009, est un bestseller qui ne pouvait qu’être adapté au cinéma. Marquant le retour d’Audrey Tautou un an après ses retrouvailles avec Pierre Salvadori (Hors de prix) pour De vrais mensonges, La délicatesse est également la première collaboration de la comédienne avec un acteur hors du commun, le belge François Damiens, qui a su prouver ces dernières années qu’il était à l’aise aussi bien dans son domaine de prédilection, la comédie (Dikkenek), que dans des films beaucoup plus dramatiques (La famille Wolberg).

Lorsque François aperçoit Nathalie dans un café, c’est le coup de foudre immédiat. En la regardant, il sait qu’il ne pourra pas quitter ce bar sans elle. Quelques temps après, les deux amoureux se marient et tout va pour le mieux. Mais un jour, François est victime d’un accident. Après sa mort, Nathalie se replie sur elle-même et sombre dans un état de tristesse. Jusqu’au jour où elle tombe sur Markus, un drôle de suédois avec qui elle travaille qu’elle n’avait jamais remarqué auparavant.

A lire, La délicatesse est loin d’être désagréable. Foenkinos, grâce à son humour et sa plume, apporte une gaieté et un charme dans une bluette qui aurait pu être bien fade. Jeux de mots bien trouvés, anecdotes farfelues, l’artiste réussit son coup et nous captive de bout en bout. Malheureusement, ce ne sera pas le cas sur grand écran. On sent la volonté des deux réalisateurs de nous proposer un travail bien fait, leur implication à travers les mouvements de caméra. Mais David Foenkinos ne maîtrise pas les images aussi bien que les mots.

Photo de François Damiens et Audrey Tautou qui prennent un petit déjeuner ensemble dans le film La Délicatesse.

L’émotion nous effleure à peine, tout ce qui paraissait subtil et créatif sur le papier se révèle prévisible et lourd à l’écran. Les voix off des différents personnages sont récitées sans réelle conviction, les comédiens n’ont pas toujours l’air d’y croire, à l’image de Bruno Todeschini (Gentille) ou Pio Marmai (Le premier jour du reste de ta vie), pourtant bons en règle générale. Créer de nouveaux protagonistes pour que les pensées personnelles des héros soient exprimées de vive voix aurait pu être une bonne idée. Hélas, on finit par tomber dans le bavardage et l’on tourne en rond dans plusieurs séquences. Les passages les plus intenses sont retranscrits ici de manière assez plate. Le spectateur n’est jamais heurté et ne s’attache pas à ces deux êtres perdus autant que dans l’écrit. On a l’impression que le deuil n’est qu’un sentiment passager alors qu’il est très présent dans le roman.

La délicatesse ne se regarde pas avec dégoût, loin de là, mais la petite éclaircie n’y est pas. Les frères Foenkinos ne maîtrisent pas l’art du non-dit et l’expression des ressentis par les regards même s’ils sont épaulés par deux têtes d’affiche talentueuses. En effet, Tautou et Damiens sont les choix parfaits pour faire vivre à l’écran Nathalie et Markus. Toute la délicatesse qui n’apparaît pas à travers la réalisation, les deux acteurs tentent de nous la transmettre. Malheureusement, leur présence n’est pas suffisante et lorsque le générique apparaît, on reste sur notre faim.

Au final, le long métrage est une comédie romantique anodine qui n’est pas représentative du livre. Les frères Foenkinos s’égarent dans les maladresses visuelles et préfèrent laisser reposer leur récit sur les paroles plutôt que sur les images. C’est dommage, ils étaient pourtant entourés de deux interprètes qui trouvent leur force dans leur fragilité. C’est d’ailleurs de ça dont il est question dans le bouquin, et c’est ce qui est pratiquement absent dans le long métrage.

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