Critique : Le grand soir – Sons of anarchy

Affiche du film Le Grand Soir sur laquelle Benoit Poelvoorde est déguisé en indien et Albert Dupontel en cow-boy, sur un cheval, dans un supermarché. Les deux acteurs posent face à l'objectif.

Après Mammuth, qui nous avait séduit par son humour et par l’interprétation d’un Depardieu gigantesque plus que par son propos social, on attendait un retour en forme du duo Kervern/Delépine. Présenté à Cannes dans la sélection Un certain regard, Le grand soir met en scène deux frères opposés qui finissent par se rassembler et tentent de faire une révolution… Dans une zone industrielle.

Des comédiens prometteur, deux cinéastes qui nous ont offert des films délirants (Louise Michel, Avida), un scénario barré dans lequel deux punks anarchistes arpentent les allées d’un centre commercial de province. Tout ces éléments semblaient confirmer que les deux anciens de Groland n’avaient rien perdu de leur faculté à nous livrer des œuvres sociales culottées et vraiment poilantes.

Et pourtant, tout ce qu’on a aimé auparavant dans la filmographie des compères nous agace profondément dans Le grand soir. On aimerait rentrer dans le quotidien de ces deux types qui ont touché le fond mais qui continuent de creuser. Mais l’attachement ne ne se fait pas, hormis dans une ou deux scènes dans lesquelles Poelvoorde (Les émotifs anonymes) s’avère touchant. C’est d’ailleurs le belge qui est le plus convaincant. Ce rôle de punk est fait pour lui et à l’inverse de Dupontel (Bernie), il n’en fait jamais trop. Evidemment, ce dernier est en roue libre car il interprète le frangin qui subit la véritable descente aux enfers, mais à aucun moment durant le long métrage nous le trouvons irrésistible ou drôle. C’est dommage, on connaît son potentiel, surtout dans des œuvres hystériques de cette trempe et l’on se rend compte que sa prestation est décevante.

Photo de Benoit Poelvoorde et Albert Dupontel, tous deux dans la rue avec des coupes punks.

Le parti pris de mise en scène est lui aussi beaucoup trop lourd. Au bout de quinze minutes, la caméra portée devient épuisante et les séquences qui finissent sur des plans vides de plus de vingt secondes suscitent un ennui total. On a compris le message, mais à force de nous le rabâcher, on finit par être gavé. C’est d’ailleurs l’autre gros souci du film. Le propos anarchiste manque clairement de subtilité et le récit finit par tomber dans des situations pessimistes logiques qui ne révèlent aucune surprise. On regarde donc le long métrage passivement, en riant malgré tout lors de certaines séquences qui font mouche mais qui sont éparpillées dans un ensemble de sketchs qui manquent d’originalité.

Voir les autres membres de la bande (Gérard Depardieu, Miss Ming) nous fait plaisir mais leur présence n’a pas vraiment d’utilité. Ils sont ici en tant que potes, dans des scènes pas désagréables, mais loin d’être indispensables. En revanche, les parents interprétés par Brigitte Fontaine et Areski Belkacem représentent à eux deux le côté décalé sur lequel aurait du surfer le film.

Comme d’habitude, Kervern et Delépine divisent et cette fois-ci, nous n’avons pas été conquis. Critique de la société de consommation beaucoup trop facile et œuvre qui, à trop vouloir se revendiquer libre dans son traitement, provoque seulement notre détachement. Après, on retiendra toujours quelques passages sympathiques et l’interprétation juste de Poelvoorde, mais c’est très peu par rapport à nos attentes.

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