On se souvient de la première fois que l’on a vu cette affiche teaser pendant une journée de 2005 ou de 2006. A l’époque Alfonso Cuarón, réalisateur de Gravity en salles très bientôt, aimait déjà garder le secret sur ses longs métrages. Celui qui a signé le meilleur épisode de la saga Harry Potter (Le prisonnier Azkaban) avait profité du succès du blockbuster pour mettre en boîte ce projet. A l’époque, les œuvres d’anticipation comme La Route ou Le livre d’Eli ne s’enchaînaient pas et l’on peut assurer que même s’il est celui qui s’est le plus planté au box-office, ce chef d’œuvre est devenu aujourd’hui une référence toujours inégalée qui fout une véritable claque à chaque visionnage.
Dans nos jours de déprime, lorsque l’on se retrouve victimes de la toute-puissance de Jean-Luc Reichmann et Tex, on a l’intime conviction que notre futur sera semblable à celui présenté dans ce film. Un monde sale dans tous les sens du terme où les guerres civiles font rage, où toute notion d’union a disparu et où les gouvernements n’ont plus que le recours à la propagande pour motiver une population endormie où seuls quelques groupuscules armés se battent pour des causes plus ou moins nobles. Une situation qui marquerait donc un retour au passé ou une accélération des dérives actuelles.
Imaginez qu’un matin, vous vous leviez pour aller tranquillement au travail et que sur le chemin, vous pensiez à vous arrêter au Starbucks du coin pour déguster votre tall Mocha avant une dure journée de labeur. Pas de chance, un type a eu la même idée que vous ce matin là mais la seule différence, c’est qu’il se rend dans le café franchisé pour un attentat suicide. Et le pire dans tout ça, c’est que vous en ressortiriez vivant et que vous iriez au travail comme si de rien n’était. C’est ainsi que débute Les fils de l’homme et en moins de cinq minutes, Cuarón réussit à créer un univers réaliste et terrible, à exposer un propos politique passionnant et à nous présenter un personnage qui a abandonné tout espoir incarné par un Clive Owen (Sin City) qui n’a jamais retrouvé un rôle aussi puissant.
Dans ce monde, il n’y a pas eu de naissance depuis 18 ans et le bébé le plus jeune vient de se faire assassiner parce qu’il refusait de signer un autographe à un fan. Alors lorsqu’Owen est engagée par son ex, chef d’un groupe résistant, pour protéger la première femme enceinte depuis deux décennies, vous imaginez sa réaction et l’importance de la nouvelle aux yeux de la planète.
Les fils de l’homme, c’est donc le parcours de cet anti-héros dans une Angleterre dévastée qui se bat pour des convictions ravivées. Cuarón réalise un film de genre absolument impressionnant qui dispose d’un équilibre parfait entre le fond et la forme et entre le propos et l’action. La caméra portée a rarement été aussi bien utilisée ces dernières années. La réflexion, Cuarón ne la fait pas naître uniquement lors des séquences de discussion dans lesquelles les excellents Michael Caine (The Dark Knight Rises) et Julianne Moore (The Big Lebowski) confrontent leur point de vue à celui d’Owen. Il la provoque en filmant le quotidien de son protagoniste principal mais surtout lors de ses plans séquences magistraux, dont deux qui nous filent des frissons à chaque fois et que vous n’aurez pas de mal à reconnaître, qui dévoilent toute l’horreur d’un futur marqué par les conflits, la corruption et l’extrême pauvreté. Tout cela ne paraît finalement pas si lointain.
Oubliez les pistolets laser et les voitures volantes. Oubliez le progrès, enterrez tout optimisme et découvrez Les fils de l’Homme, l’une des plus grandes contre-utopies du septième art, éprouvante mais nécessaire.