Qu’on l’aime ou non, on reconnaît toujours un film d’Olivier Marchal (36 quai des orfèvres, MR 73). Atmosphère sombre, gueules fatiguées, respect d’un code de l’honneur disparu, le metteur en scène a su redonner un sérieux coup de jeune au polar old school. Les lyonnais n’échappe à la règle, mais prouve tout de même que le cinéaste a su explorer une nouvelle face de cet environnement policier et criminel.
Préférant se pencher du côté des voyous pour son adaptation à moitié fictive et réelle du gang des lyonnais, Marchal n’a eu aucune difficulté à dépeindre la jeunesse et la vieillesse d’un truand dépassé par les événements. A travers les interprétations sublimes (Gérard Lanvin, Dimitri Storoge) d’Edmond Vidal, le spectateur est témoin de l’évolution de ce personnage hors du commun, ambitieux mais en constante retenue. Lanvin trouve un rôle qui lui permet de délivrer une de ses meilleures prestations. Rattrapé par le passé, épuisé par son présent, l’acteur n’a pas besoin de parler pour nous convaincre.
La bonne idée de Marchal est de ne pas retracer tout le parcours du gangster mais seulement son entrée dans le milieu et son ascension puis sa vie d’aujourd’hui qui se retrouve perturbée par le retour de son compagnon de toujours incarné par Tchéky Karyo, brillant, tout en sobriété. Le réalisateur puise son émotion dans ses flashbacks, qui nous montrent une époque et une amitié révolues, perdues dans une soif d’argent et de pouvoir.
Loin de la noirceur qui caractérisait Mr 73, Marchal préfère insuffler à ce paysage une luminosité qui lui est rare et apporte une belle fraicheur. Il agrémente même les passages de braquage et son générique de chansons dynamiques et entrainantes. On regrettera pourtant la présence de la musique originale trop appuyée d’Erwann Kermorvant qui renforce le pathos dans des séquences qui en seraient devenues plus poignantes sans elle. Dans les scènes qui abordent le présent de Vidal, la mise en scène souffre parfois d’un manque de rythme qui nous épargne toute surprise. Marchal préfère assumer sa lenteur pour mieux développer les rapports entre les différents protagonistes, qui sont le point fort de l’œuvre et sont sublimés par un casting qui trouve toujours le ton juste et n’en fait jamais trop (Daniel Duval, Lionnel Astier, Patrick Catalifo). On reconnaît les influences nombreuses du metteur en scène, de Melville à Audiard en passant par Lautner et son envie de redonner vie à un cinéma qu’il affectionne, populaire, burné et familial.
Car c’est ce que représente Les lyonnais. Plus qu’un film de gangsters, c’est avant tout un film de famille. D’ailleurs, les deux éléments sont toujours indissociables dans le genre. Les lyonnais ne marquera sûrement pas l’histoire du septième art mais Marchal sait contenter son spectateur et le faire pénétrer dans son univers. Il signe là un film plus contemplatif, moins noir et susceptible de toucher un plus large public.