A première vue, Gerry Boyle, policier sympathisant de l’IRA d’un petit village irlandais de la région de Limerick, est un gros con incompétent qui se gratte les testicules en permanence et n’hésite pas à insulter le premier venu, même lorsqu’il s’agit d’un cadavre. Il est antipathique avec tout son entourage, excepté sa mère envers qui il montre une certaine tendresse. Lorsque des dealers organisent une transaction dans son patelin, c’est le FBI en personne qui vient mener l’enquête. Ca tombe mal, Gerry déteste les américains. Ca tombe encore plus mal si l’enquêteur est un noir.
Dans la première partie de L’Irlandais, le spectateur assiste à un spectacle de l’acteur principal, le génial Brendan Gleeson qui mérite amplement sa toute fraiche nomination aux Golden Globes. Le réalisateur John Michael McDonagh a décidé de casser toutes les idées que l’on a à propos des habitants du pays, réputés pour leur grande gentillesse. Cela se ressent encore plus lorsque l’agent du FBI Wendell Everett joué par l’excellent Don Cheadle est confronté à un choc culturel et se retrouve perdu dans son enquête, ne pouvant avancer car il ne comprend pas le gaëlique. Les dialogues sont écrits d’une main de maître et certaines situations sont vraiment hilarantes, jouant sur un humour noir et politiquement incorrect.
Si McDonagh pousse les clichés et les stéréotypes à l’extrême durant les 45 premières minutes, c’est en quelque sorte pour mieux faire « renaître » son personnage principal. Malgré son attirance pour l’alcool et sa grande flemme, Boyle est un être toujours lucide et réaliste qui va même savoir se révéler malin. Il est loin d’être le beauf inculte que nous avons suivi au début de l’œuvre. Il va donc nouer une relation d’amitié avec Everett et sera même touchant dans certaines scènes tragiques mais en aucun cas tire-larmes. La grande subtilité de L’irlandais est ici. Certaines émotions sont transmises au spectateur l’air de rien et lorsqu’il ne s’y attend pas vraiment.
On pourra toujours dire que le scénario avance lentement et que l’intrigue n’est pas la plus passionnante de l’année. Ce qui nous intéresse le plus, ce n’est pas l’arrestation de ces gangsters philosophes campés par le vétéran Liam Cunningham et le très bon Mark Strong omniprésent en ce moment. Ce qui nous passionne, c’est le parcours de cet anti-héros aux répliques et gestes mémorables.
Si vous trouvez que l’œuvre a beaucoup de points communs avec Bons Baisers de Bruges, c’est tout à fait normal. Le metteur en scène n’est autre que le frère de Martin McDonagh qui avait réalisé l’excellent film tourné en Belgique, déjà avec Brendan Gleeson. Le talent des deux frangins est de nous faire croire que l’on va assister à une intrigue policière relayée au second plan pour mieux explorer avec une certaine noirceur et un grand sens de l’humour les relations humaines.