C’est bien connu, Michael Bay est un gros beauf. Un gros beauf qui s’amuse à filmer des donzelles transpirantes sur des grosses voitures parce que c’est ça la vraie vie. Un gros beauf grâce à qui Bruce Willis a pu sauver le monde et Will Smith devenir une star du cinéma d’action. Si l’homme est détestable, misogyne et puritain, il n’en demeure pas moins talentueux et des œuvres comme Rock ou Bad Boys 2 en sont la preuve. Bay assure dans le divertissement bourrin, c’est indéniable. On ne pourrait pas lui demander de réfléchir, c’est impossible. En revanche, si l’on a envie de déconnecter nos neurones, on sait qu’on pourra toujours compter sur lui.
Et c’est ce qu’on souhaitait faire avec Pain & Gain. Avec ce faux blockbuster gonflé aux hormones, Bay s’offre une pause entre deux Transformers et se défoule dans une critique d’un système qu’il représente pourtant à merveille. Cette histoire de stéroïdes, de séquestration et de torture aurait pu être réalisée par les frères Coen. Et elle aurait eu une toute autre saveur. Dès le départ, lorsqu’on retrouve les ralentis et les plans en contre-plongée, on reconnaît immédiatement l’univers subtil et épuré de l’auteur.
Bay a voulu pousser la vision de l’American Dream à son paroxysme et en cela, on comprend le parti pris de la surenchère pour la réalisation. On retiendra d’excellents plans, notamment l’introduction de Dwayne Johnson qui livre par ailleurs l’une de ses meilleures prestations.
Ce qui n’a pas changé chez Bay, ce sont ses blagues crasseuses qui se marient parfaitement avec le sujet glauque du long métrage. Bay filme trois crétins qui sont plus stupides que méchants à l’inverse des criminels dont s’inspire le film et cela donne lieu à un enchaînement de situations complètement improbables qui sont parfois vraiment drôles. Malheureusement, Bay ne sait pas doser et sous prétexte qu’il aborde des faits réels, il se sent obligé d’accumuler les scènes de torture et laisse tomber sa satire pour basculer dans le gratuit et le ridicule. Dans sa deuxième moitié, Pain & Gain s’essoufle et l’attachement que l’on avait pour ces abrutis disparaît à cause des répétitions inutiles.
Bay ne s’est pas assagi et ne sait pas faire passer son propos avant sa mégalomanie et son envie d’en foutre plein les mirettes. C’est dommage car le cinéaste avait à sa disposition d’excellents comédiens, à l’image de Mark Wahlberg qui joue constamment de son ancienne image. Celui qui faisait des pubs pour des slips n’hésite pas à se moquer des culturistes et le comédien est probablement l’action star qui sait le mieux faire preuve de second degré (Very Bad Cops, Ted). Bay retrouve Ed Harris mais lui offre un rôle trop lisse qui ne lui permet pas de montrer toute l’étendue de son talent. Celui dont on parle peu mais qui est tout à fait remarquable, c’est Anthony Mackie, second couteau aux choix de carrière très éclectiques (Démineurs, Half Nelson, L’Agence) qui mérite une plus grande reconnaissance.
On ne peut pas dire qu’on n’a pas aimé Pain & Gain. Michael Bay a réussi à atteindre un niveau de connerie inimaginable et il faut bien admettre que l’on s’est amusés devant cette histoire de fonceurs qui ont tout pour réussir, sauf un cerveau. Malheureusement, c’est également le cas du cinéaste, technicien doué et talentueux qui n’arrivera jamais à satisfaire son ego. Transformers 4 en est une nouvelle preuve et à force de courir après son American Dream, Bay finira probablement par se perdre en route.