Critique : Les Filles du Docteur March – Les Demoiselles de Concord

Affiches de Les Filles du Docteur March de Greta Gerwig, sur laquelle Jo March est mise en avant en train de courir, tandis que des photos des autres personnages apparaissent au second plan.

La famille March compte quatre filles : Meg, l’aînée, qui rêve de devenir comédienne, Jo, extrêmement audacieuse, indépendante et dotée d’un véritable talent pour l’écriture, Beth, jeune prodige de la musique et Amy, la benjamine espiègle qui rêve de surpasser ses grandes sœurs. Alors qu’elle se lance dans une carrière d’auteure à New York, Jo se remémore son adolescence avec ses sœurs à Concord, dans le Massachusetts, durant la guerre de Sécession.

Au lieu de scinder son film en deux parties, à savoir l’adolescence et l’entrée dans la vie adulte des sœurs March comme l’avait fait Louisa May Alcott dans son roman, Greta Gerwig décide de naviguer entre ces deux périodes déterminantes de leurs vies. Le défi paraissait risqué tant le récit est dense et les protagonistes nombreux. Mais ce procédé choisi par la réalisatrice de Lady Bird ne fait que décupler l’attachement à ses personnages.

Photo tirée de Les Filles du Docteur March de Greta Gerwig, sur laquelle Meg, Amy, Jo et Beth se trouvent côte à côte sur la plage.

Les Filles du Docteur March s’ouvre sur une citation qui justifie parfaitement l’ambiance et le propos éminemment réconfortants du long-métrage, facilement critiquable pour sa mièvrerie apparente. Pourtant, avec fidélité et modernité, Greta Gerwig n’occulte en rien les difficultés de la famille, de la pauvreté aux épreuves pour se faire accepter artistiquement et s’émanciper, en passant par l’incapacité à trouver sa voie dans un environnement cloisonné.

La réalisatrice aborde parfois ces situations avec une certaine distance, que les sœurs March parviennent elles-mêmes à adopter, sans cesse épaulées et aimées par leurs proches. Le soutien réciproque que ces sœurs et leurs parents parviennent à s’apporter finit par éclipser certains de leurs tourments, ou du moins à les rendre plus acceptables. Le discours d’une mère dressant un constat quelque peu fataliste mais néanmoins rassurant à sa fille, l’arrivée inattendue d’un piano pour Beth ou encore la volonté d’Amy de se faire pardonner après une crasse arrivent ainsi comme des moments de bienveillance qui confèrent au film une allure de parenthèse enchantée.

Photo tirée de Les Filles du Docteur March de Greta Gerwig, sur laquelle Meg, Amy, Jo et Beth se trouvent côte à côte devant une fenêtre, et regardent avec attention et curiosité vers l'extérieur.

Ces séquences, associées aux transitions parfaitement fluides de Greta Gerwig entre le passé et le présent, amplifient par ailleurs l’émotion liée au passé et l’envie de Jo de revivre certains chapitres marquants. Magnifiée par la photographie de Yorick Le Saux, la scène du réveillon de Noël s’apparente par exemple à une peinture idyllique qui ne s’estompe pas avec le temps, mais gagne au contraire en couleur.

Mais l’idée de Louisa May Alcott et de Greta Gerwig n’est pas de verser dans la nostalgie mais de se tourner vers l’avenir, et vers l’épanouissement tant espéré de ces sœurs. Au cinéma, nul doute que le futur nous réserve encore de très belles surprises avec les brillantes Saoirse Ronan, Florence Pugh, Eliza Scanlen et Emma Watson, mais aussi avec Timothée Chalamet. Emporté par l’énergie et l’envie de vivre de Jo et ses sœurs, Les Filles du Docteur March est un petit bijou de sensibilité et de romantisme, où le passé et le présent se répondent à merveille grâce à une narration impressionnante.

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Critique : The Irishman – The Shootist

Affiche de "The Irishman" de Martin Scorsese, sur laquelle apparaissent les trois personnages principaux incarnés par Robert De Niro, Joe Pesci et Al Pacino.

Difficile de savoir par où commencer face à tant de richesse et de densité. Car The Irishman fait bien partie de ces longs-métrages qui marquent instantanément un genre, si ce n’est le cinéma de manière générale, comme l’ont fait Le Parrain et Il était une fois en Amérique avant lui. Mais cette fois-ci, ceux qui ont fait le meilleur du film de gangsters posent dessus un regard empli d’une distance et d’une sagesse encore plus marquée que celles de l’ultime opus de la trilogie de Francis Ford Coppola et du dernier chef d’œuvre de Sergio Leone.

À 77 ans, Martin Scorsese retrouve ses plus vieux acolytes, et embauche Al Pacino au passage, pour regarder dans le rétroviseur avec une mélancolie qui s’installe de manière discrète, avant de ne plus nous lâcher au cours d’une dernière heure à ranger parmi les plus belles images que l’on a pu voir ces dernières années. « On ne rachète pas ses péchés à l’église. On le fait dans la rue. On le fait à la maison », disait Martin Scorsese en préambule de Mean Streets en 1973. 46 ans plus tard, les vieux briscards font tout ce qu’ils peuvent pour racheter à l’église les péchés qu’ils ont commis à la maison et dans la rue.

Mais certaines fautes ne sont tout simplement pas pardonnables, et c’est le cœur extrêmement serré que l’on quitte Frank Sheeran (Robert De Niro), qui tente de se raccrocher au peu de lumière qu’il lui reste, à la fin des 3h30 de The Irishman. Parce qu’avant de le laisser dans une solitude à la fois lourde et réconfortante, Martin Scorsese dépeint le parcours d’un taiseux qui s’est toujours contenté de son rôle d’homme de main avec une loyauté à toute épreuve, jusqu’à ce qu’il n’ait d’autre choix que de commettre des trahisons inéluctables.

Photo tirée de "The Irishman " de Martin Scorsese, sur laquelle Joe Pesci et Robert De Niro sont face à face sur une table de bar, et parlent en buvant un verre.

Dans la vie de ce tueur à gages méthodique, silencieux et plus diplomate qu’il n’en a l’air gravitent deux hommes : Russell Bufalino (Joe Pesci), son mentor, et Jimmy Hoffa (Al Pacino), son meilleur ami. Pour le premier, Sheeran rate sa vie en planifiant la mort des autres. Pour le second, il fait office de protecteur et confident. Mais lorsque les intérêts du mafieux et ceux du syndicaliste deviennent incompatibles, Frank est confronté à un dilemme impossible.

La décision que doit prendre le tueur, Martin Scorsese la dévoile de manière extrêmement furtive dès les premières minutes de The Irishman, comme pour souligner d’emblée la sensation de marche funèbre qui émane du long-métrage. Cela ne rend pas pour autant la conclusion moins brutale et difficile à regarder, étant donné que le cinéaste bâtit ensuite des récits d’amitié extrêmement puissants. Le réalisateur a rarement pris le temps de filmer autant de scènes de vie anodines, de regards perdus dans le vide et de moments de silence extrêmement évocateurs. Ces derniers viennent appuyer la compréhension immédiate entre les protagonistes, mais aussi sceller leur destin au moment où l’on s’y attend le moins. Les coups d’œil que Robert De Niro – monument d’intériorisation – jette à Joe Pesci et à sa fille incarnée par Anna Paquin en sont le parfait exemple, et font même basculer le récit au cours d’une séquence de banquet magistrale.

Photo tirée de "The Irishman" de Martin Scorsese, sur laquelle Frank Sheeran (Robert De Niro) regarde sa fille, hors champ, à un enterrement.

S’il se distingue des Affranchis ou de Casino par son rythme et son montage, nettement plus proches de Silence, The Irishman s’en rapproche néanmoins par son goût pour les anecdotes et les digressions, qui viennent toujours enrichir le contexte historique et politique. Le scénariste Steven Zaillian les disperse avec brio dans le script, et fait en sorte qu’elles se répondent tout au long du film.

 « Qui l’a tué ? » demande le vieillard Frank Sheeran à deux agents du FBI à propos de son avocat, pourtant mort de causes naturelles. Cette phrase résume à merveille la nature d’un vestige qui ne peut tourner le dos à son passé et au milieu dans lequel il a évolué. Cette incapacité à renier toute une vie n’a d’égal que le talent de Martin Scorsese pour transcender son art et nous offrir une ultime réunion déchirante des derniers des géants.

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Critique : Dolemite Is My Name – Original Gangsta

Affiche de "Dolemite Is My Name", sur laquelle Eddie Murphy apparaît au premier blanc dans le costume blanc du célèbre Dolemite. Au second plan, on découvre un montage révélant tous les personnages secondaires.

Treize ans après le superbe Black Snake Moan, Craig Brewer troque la mélancolie du blues contre l’énergie de la funk avec Dolemite Is My Name. Pour le rôle principal de ce biopic diffusé sur la plateforme Netflix, le réalisateur a fait appel à Eddie Murphy, qui effectue un retour en grâce. Le comédien se glisse ici dans la peau de Rudy Ray Moore, figure emblématique de la Blaxploitation devenue célèbre grâce au personnage de Dolemite.

Le long-métrage démarre au début des années 70, époque à laquelle notre héros est au creux de la vague sur le plan artistique. Après avoir été danseur et chanteur, Rudy Ray Moore travaille chez un disquaire de Los Angeles. En pleine panne d’inspiration, Moore est un jour happé par les récits en rimes d’un sans-abri prénommé Rico. Convaincu que ces élucubrations ont le potentiel de fonctionner sur scène, le chanteur décide d’endosser le costume d’un personnage de l’une d’entre elles : le légendaire et inénarrable macro Dolemite, aussi réputé pour ses prouesses sexuelles que pour son kung-fu imparable, et spécialisé dans la démolition de gros enfoirés.

L’héritage qu’a laissé Rudy Ray Moore dans la culture hip-hop est considérable, notamment grâce à sa prose vulgaire, son personnage de « pimp » et son arrogance teintée d’une savoureuse nonchalance. Pourtant, s’il est encore possible d’entendre le nom de Dolemite dans les chansons de Snoop Dogg, qui l’avait d’ailleurs embauché pour le clip de Murder was the case, celui de Moore avait tendance à se faire oublier. C’était sans compter sur le talent de Craig Brewer et du grand Eddie Murphy, qui dévoilent avec leur long-métrage l’humanité d’un véritable artisan de la musique et du cinéma, davantage poussé par l’envie de représenter une communauté mise de côté à Hollywood que par les élans égotiques qui caractérisent le héros qu’il a popularisé.

Photo tirée de "Dolemite Is My Name", sur laquelle D'Urville Martin, incarné par Wesley Snipes, est assis à la table d'un strip club en compagnie d'une jeune femme.

Au-delà des ellipses parfois hasardeuses et du manque d’ampleur accordé à la reconstitution, ce sont l’audace, la solidarité et le talent rejeté de Rudy Ray Moore que l’on retient avant tout de Dolemite Is My Name. Du réalisateur Craig Brewer à Eddie Murphy, en passant par les excellents seconds rôles campés par Keegan-Michael Key, Craig Robinson et Da’Vine Joy Randolph, la joie de participer à ce projet est palpable chez chacune des personnalités impliquées dans le projet. Mention spéciale à Wesley Snipes, formidable et hilarant dans le rôle de l’acteur D’Urville Martin.

Certes, les secondes chances inespérées et autres récits d’outsider sont monnaie courante dans le paysage du cinéma américain. Mais ces thématiques sont abordées avec tellement de cœur, de second degré et de recul par Craig Brewer que son film en devient profondément attachant. C’est lorsque Rudy Ray Moore et ses acolytes se lancent dans la réalisation d’un long-métrage que l’intrigue se révèle être la plus passionnante.

Après avoir résumé succinctement le come-back inattendu du protagoniste, la création et l’exploitation de Dolemite – personnage inédit pour l’époque et politiquement incorrect -, ainsi que son envie d’aller encore plus loin en concurrençant Shaft et Coffy, Brewer prend le temps de s’attarder sur le tournage de ce film. En résulte des séquences passionnantes, tournées dans le véritable studio improvisé de Rudy Ray Moore à Los Angeles, où la débrouillardise associée à la créativité, l’humour et l’entraide, donnent naissance à des idées aussi ingénieuses que barrées.

Photo tirée de "Dolemite Is My Name ", sur laquelle le personnage incarné par Eddie Murphy avancent fièrement dans les rues de Los Angeles.

S’il n’avait pas le corps de Jim Brown et Billy Dee Williams, comme aimaient lui rappeler les producteurs, Moore avait en revanche un charisme unique et une persévérance à toute épreuve, auquel le réalisateur rend brillamment hommage. Avec ce film, Craig Brewer entend donc rendre à Dolemite ce qui est à Dolemite, ressuscitant au passage la carrière d’Eddie Murphy, véhicule d’émotions dont l’aura est intacte et qui tient ici l’un des rôles de sa vie.

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Critique : Ad Astra – Au nom du père

Affiche d'Ad Astra, qui dévoile le regard inquiet de Brad Pitt dans une tenue d'astronaute.

Dans un futur proche, la recherche d’une autre forme de vie est devenue l’une des quêtes majeures de l’humanité. L’astronaute Clifford McBride était chargé de mener l’exploration spatiale dans le but de trouver des réponses, mais a mystérieusement disparu depuis une vingtaine d’années. Alors que la survie de la Terre est menacée, les directeurs du programme décident d’envoyer son fils Roy dans l’espace, convaincus qu’il est encore vivant.

Première incursion de James Gray dans la science-fiction, Ad Astra permet au cinéaste de continuer à explorer les liens familiaux, son thème de prédilection. Après le retour au foyer de Little Odessa, la recherche d’une sœur dans The Immigrant ou encore les retrouvailles entre deux frères dans La nuit nous appartient, le réalisateur s’intéresse au rapport père/fils avec cette quête initiatique que n’aurait pas renié Joseph Conrad.

À l’instar de l’ouvrage Au cœur des ténèbres, mais également de The Lost City of Z, le long-métrage prend le temps de rappeler que l’important n’est pas la destination, qui ne manque jamais de décevoir tant les attentes sont généralement hautes, mais les différentes étapes pour y arriver. Ici, Roy McBride s’aventure dans un espace partiellement colonisé, ouvertement désigné comme le Far West, pour retrouver un père qu’il ne connaît plus et qu’il n’a finalement jamais connu.

Photo tirée du film "Ad Astra", sur laquelle Brad Pitt se tient dans un long tunnel et regarde vers l'objectif, en tenue d'astronaute.

Véritable machine dévouée à la cause qu’il est censé servir, sans pour autant en connaître les rouages, le héros semble vide de toute émotion, excepté les regrets. Au-delà de la voix-off souvent sur-explicative du film, c’est le jeu renfermé de Brad Pitt, qui nous offre ses regards les plus touchants depuis L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, qui met parfaitement en valeur le pragmatisme de son personnage.

Son périple l’amènera logiquement vers la redécouverte des émotions et des sentiments, qu’il s’agisse de la culpabilité, la peur ou le besoin d’aimer. Parsemé de séquences inattendues et flirtant parfois avec l’horreur, d’échanges brefs mais décisifs avec les personnages incarnés par Ruth Negga et Donald Sutherland, Ad Astra est avant tout une initiation à la redécouverte de soi par la solitude la plus extrême dans un milieu inconnu, hostile et immensément vide.

Photo tirée du film "Ad Astra", sur laquelle le personnage de Brad Pitt apparaît de dos, en tenue d'astronaute. Sur Mars, le personnage vient de sortir d'un tunnel et s'apprête à avancer vers une navette.

Le film apparaît ainsi comme une réponse à The Lost City of Z, qui se plaçait du point de vue du père aventurier et absent, prêt à tout pour découvrir une cité perdue. Comme dans ce dernier, l’ambition et la recherche obstinée, pourtant censées nous aider à comprendre notre place dans le monde, semblent aboutir sur l’échec, le repli sur soi et la désillusion. Ces notions sont ici symbolisées par le souvenir de Clifford McBride, interprété par Tommy Lee Jones, que son fils Roy doit remettre en cause s’il espère lui-même ne pas sombrer.

Si ces questionnements sont loin d’être neufs au cinéma, James Gray prouve, au même titre qu’Alfonso Cuarón, Christopher Nolan ou encore Duncan Jones, que l’espace permet de les sublimer. Afin de magnifier l’épure visuelle du film, il aurait peut-être fallu diminuer la voix-off, qui souligne inutilement les interrogations existentielles que les images traduisent de manière limpide. Elle n’empêche néanmoins pas l’émotion de décoller et d’imposer Ad Astra comme une expérience cinématographique singulière, avec laquelle James Gray continue pourtant de creuser un sillon ouvert il y a 25 ans, audacieuse par sa manière d’explorer le vide et surtout très réussie.

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Critique : Les Oiseaux de passage – Il était une fois dans l’Ouest

Affiche de Les Oiseaux de passage, sur lequel une femme incarnée par Natalia Reyes est vue de profil en tenue prénuptiale et se confond avec le ciel. Dans la partie basse de l'affiche, on retrouve d'autres personnages alignés, menés par José Acosta, et armés.

À la fin des années 60, en Colombie, Rapayet et Zaida se marient dans la tradition du peuple Wayuu. Quelques années plus tard, au début des années 70, Rapayet se lance dans le commerce de marijuana avec de jeunes Américains. Après une période florissante, le trafiquant voit son empire s’effondrer progressivement, et son âme disparaître.

La façon dont Ciro Guerra et Cristina Gallego, réalisateur des Oiseaux de passage, croisent la culture Wayuu avec les codes du film de gangsters est brillante. À l’inverse du Parrain, le long-métrage ne s’ouvre pas sur un mariage mais sur une danse prénuptiale superbement filmée. Après la jungle tropicale de L’Étreinte du serpent, c’est dans le désert que les réalisateurs plongent immédiatement le spectateur pour ne plus l’en sortir.

Photo tirée des Oiseaux de passage, sur laquelle la famille des personnages incarnés par José Acosta et Natalia Reyes est alignée.

À mesure que le film avance, les conditions de vie des personnages évoluent, contrairement aux étendues arides et statiques qui les entourent. En acceptant de traiter avec des étrangers dans un pays où le capitalisme réussit à se frayer un chemin, Rapayet et sa famille tournent le dos aux mœurs de leur culture et finissent même par les bafouer.

Dès lors que le personnage se lance dans la vente de drogue, des présages apparaissent, annonçant par le biais de rêves et d’hallucinations sa chute et celle de son entourage. Si la famille ne les ignore pas, elle a en revanche bien du mal à les accepter pour tenter de se racheter. Une fois que l’engrenage infernal est lancé, et que le profit est privilégié au détriment du code d’honneur des Wayuu, il devient inutile d’espérer un quelconque apaisement.

Photo tirée des Oiseaux de passage sur laquelle une femme vue de dos dans le désert observe deux hommes aux visages masqués par des linges blancs.

Les Oiseaux de passage parvient donc à immerger pleinement son audience dans une culture, à lui faire comprendre l’impact que l’histoire du pays a pu avoir sur elle, et à dévoiler ses préceptes avec des séquences symboliques mais suffisamment sobres pour ne pas verser dans un mysticisme caricatural. Pour cela, le long-métrage présente des personnages archétypaux et suit une trame narrative que n’auraient pas renié Jean-Pierre Melville, Francis Ford Coppola ou encore Martin Scorsese.

La place fondamentale des messagers, des conseillers, des hommes de main et de certains membres de la famille rappelle évidemment certains classiques du genre. Par ailleurs, le découpage du récit en différents chapitres, ou plutôt en différents chants, confèrent à cette fresque l’épaisseur qu’elle mérite. Les ellipses accentuent le poids des années, des péchés accumulés, des trahisons et raccourcissent le compte à rebours du temps qu’il reste à Rapayet avant de payer.

Alors qu’ils croyaient à une possible rédemption, Rapayet et Zaida, interprétés par les excellents José Acosta et Natalia Reyes, voient leurs espoirs être anéantis avec une cruauté sans nom dans le dernier acte des Oiseaux de passage. Cette conclusion contient d’ailleurs certaines des séquences les plus fortes et les plus fascinantes vues cette année, où la violence rend le calme assourdissant du désert particulièrement oppressant, et la fuite de ses protagonistes d’autant plus illusoire.

Les Oiseaux de passage est disponible en DVD et Blu-ray.

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