
Los Angeles, 1969. Rick Dalton est une star du petit écran à la ramasse, qui peine à retrouver la gloire d’antan après avoir tenté sa chance au cinéma. Pour se remonter le moral, le comédien peut toujours compter sur la présence de son acolyte Cliff Booth, sa doublure cascade au passé trouble. Pendant que l’acteur tente de remonter la pente à cette époque charnière pour Hollywood et les États-Unis, la comédienne Sharon Tate, alors en pleine ascension, et son mari Roman Polanski s’installent dans une maison voisine de la sienne sur Cielo Drive.
En plus d’être une référence évidente à la trilogie de Sergio Leone, le titre du neuvième film de Quentin Tarantino sonne comme celui d’une fable et d’une invitation au voyage. Un périple dans le paradis perdu du réalisateur, celui du déclin hollywoodien, avant qu’un nouveau chapitre ne débute grâce à des cinéastes comme Arthur Penn, Monte Hellman, Dennis Hopper ou encore Robert Altman.

Si l’admiration de Quentin Tarantino pour ces metteurs en scène n’est plus à présenter, celle pour des acteurs injustement oubliés comme Ralph Meeker ainsi que pour des séries B mises de côté, à l’image de la franchise des Tony Rome portée par Frank Sinatra, est aussi bien connue. C’est cette dernière que le cinéaste veut mettre en exergue dans Once Upon a Time… in Hollywood en se focalisant sur Rick Dalton et Cliff Booth, deux vestiges du passé aussi attachants qu’ambigus.
22 ans après le grand Jackie Brown, le cinéaste nous offre une nouvelle virée déroutante dans Los Angeles au côté du duo instantanément culte formé par Leonardo DiCaprio et Brad Pitt. Le premier part dans un registre outrancier et exploite les névroses de son personnage à l’excès, livrant ainsi sa performance la plus caustique et la plus folle depuis Django Unchained.

Plus qu’un simple comédien dépassé, Rick Dalton symbolise toute une époque que Tarantino ressuscite à travers des digressions savoureuses, que ce soit de faux extraits, des moments de tournage ou encore de fausses publicités. Ce sont ces dernières qui, si le spectateur a du mal à se laisser happer par l’ambiance, peuvent s’avérer fatigantes. Mais le voyage passionnant, qui passe d’un genre à l’autre avec une aisance déconcertante, vaut véritablement le détour et s’impose comme l’un des événements cinématographiques de l’année, capable de susciter une multiplicité d’interprétations.
En ce qui concerne Cliff Booth, taiseux ultra charismatique soupçonné d’avoir liquidé son épouse parce qu’elle était trop bavarde, il semble représenter un véritable défouloir pour le réalisateur. Ce dernier iconise Brad Pitt comme jamais auparavant, ce qui n’est pas une mince affaire, et lui offre les scènes les plus tendues et les plus démesurées du long-métrage. Son passage dans le ranch occupé par la « Famille » de Charles Manson est par exemple l’une des meilleures séquences du film, durant laquelle Tarantino remet le pied sur l’accélérateur en nous offrant le duel magistral, et hilarant, entre un homme et une secte.

Au millieu de cet apparent foutoir, bien plus cohérent qu’il n’y paraît, se dresse Sharon Tate. Ombre qui plane sur la totalité du long-métrage, en partie à cause du sort tragique qui l’attend la nuit du 9 août 1969, l’acolyte de Dean Martin dans Matt Helm règle son compte incarne les rêves et les envies de cinéma du réalisateur, qu’il ne veut définitivement pas laisser s’échapper. Les regards que Margot Robbie lance au public et à l’écran d’une salle obscure font d’ailleurs partie des plus beaux moments de Once Upon a Time… in Hollywood.
Quentin Tarantino s’accorde une once de mélancolie dans l’ultime plan du film, comme s’il avait du mal à quitter ses personnages, rappelant au passage au spectateur qu’il s’agit bien là d’une fable et que le champ des possibles est tout simplement infini au cinéma. Depuis le fabuleux Avé César des frères Coen, on n’avait pas vu plus bel hommage à la machine à rêves américaine.