Décidément, ces dernières années, le film de virus est drôlement revenu à la mode. Véritable sujet d’actualité qui nous atteint et nous terrorise tous, il a permis à beaucoup de réalisateurs de s’essayer à un concept qui permet une multitude de points de vue, une narration sous plusieurs angles et une mise en scène offrant de nombreuses idées et avec laquelle les metteurs en scène peuvent vraiment se démarquer et affirmer leur style. Dans les dernières adaptations qui ont dépoussiéré le thème, les œuvres qui se sont le plus démarquées sont celles qui s’ancraient dans une véritable mécanique de film de genre, à l’image du culte [REC] des espagnols Balaguero et Plaza, d’Infectés des frères Pastor mais surtout de 28 semaines plus tard, la magnifique suite de 28 jours plus tard signée Juan Carlos Fresnadillo. En 2011, Steven Soderbergh tentait avec Contagion une approche plus réaliste et plus large du problème de l’épidémie mais nous décevait avec un refus de parti-pris et un développement complètement inégal des différentes situations.
Un parti-pris, David McKenzie (Toy Boy) n’hésite justement pas à en prendre un pour son nouveau long métrage, Perfect Sense. Dans cette dimension apocalyptique, il met en avant une romance entre un chef cuisinier et une épidémiologiste qui tombent amoureux au fur et à mesure de l’installation du chaos. Il choisit très bien ses personnages puisque la maladie provoque une perte progressive des cinq sens. La cuisine est un art qui requiert toutes nos sensations pour véritablement l’apprécier et l’on distingue bien à travers le métier d’Ewan McGregor (Trainspotting) l’importance de toutes nos impressions, qu’elles soient olfactives, visuelles ou tactiles. En revanche, Eva Green travaille dans un hôpital mais l’on ne se rend pratiquement pas compte de l’expansion du virus, des réactions des patients, de la panique du domaine médical, mise à part dans deux ou trois scènes très courtes. C’est d’ailleurs, à mes yeux, tout le problème du long métrage.
McKenzie se concentre sur les deux individus et leur histoire d’amour mais en oublie de traiter la propagation dans le monde entier et dans l’environnement extérieur aux deux protagonistes principaux. Il inclut pourtant des séquences qui alternent entre images d’archives souvent hors de propos ou très mal utilisées, ou tente des trips à la caméra portée pour essayer de restituer la panique de la population mais n’y parvient pas car ces scènes sont plombées par une voix off explicative inutile qui enlève toute la puissance émotionnelle que nous procurait par exemple 28 semaines plus tard. Il signe une histoire romanesque ponctuée par une morale auteuriste gavante et naïve qui ne convient pas vraiment au thème. Aucune surprise dans l’intrigue, on assiste au parcours vraiment déprimant de deux personnages en quête d’affection et de vie normale dans un monde qui tombe en ruines et ne leur offrira qu’une destruction physique puis morale.
C’est sympathique de voir Ewan McGregor et Eva Green se bécoter alors que tout s’écroule mais l’on aimerait bien découvrir ce qui se passe dehors, d’autant plus que la femme médecin se laisse vivre et ne tente en rien d’endiguer le problème. Foutu pour foutu, on n’a qu’à rester chez nous et attendre que ça se passe. Hormis que nous, spectateurs, aimerions bien voir la réaction de la population, les tentatives de remèdes plutôt que le nombril de nos deux amants. McKenzie préfère se regarder filmer, règle le problème de l’environnement étranger grâce à ses scènes d’archives nazes ou à quelques séquences en ville dans lesquelles la caméra reste collée aux deux interprètes. Du coup, on ne distinguera qu’un ou deux allumés courir comme des dératés ou un cheval se promener sur la route et grâce à ces quelques éléments on finira par se dire : « Ah oui, tout de même ça a l’air grave ! ».
McGregor et Green sont comme à leur habitude très bons mais McKenzie équilibre trop mal son récit pour nous convaincre, malgré de jolis passages romantiques teintés d’une amertume qui auraient pu rendre le long métrage vraiment bouleversant. Mais non, à l’image des scènes de crises de la population parfois infâmes, la seule chose que parvient à nous procurer Perfect Sense, c’est un coup de blues. Mais lorsqu’on apprend que McKenzie compare son film à Titanic dans lequel Cameron avait totalement réussi ce qu’il vient tout juste d’échouer, on retrouve vite le sourire devant cette prétention vaine et ridicule.