C’est avec beaucoup de retard que l’on découvre ce film de Gus Van Sant, réalisateur que l’on affectionne aussi bien pour ses projets indépendants (Paranoïd Park) que pour ses œuvres « grand public » (A la rencontre de Forrester, Will Hunting). Et l’on peut désormais affirmer que l’on a trouvé l’un de nos longs métrages préférés du cinéaste grâce à qui cette perle qui n’aurait jamais eu la même saveur avec un autre metteur en scène aux commandes.
Avec Restless, Van Sant aurait pu tomber dans deux pièges. Le premier, c’est la réalisation d’une pub pour The Kooples étendue sur une heure et demie, enrichie des plus beaux morceaux de She & Him et magnifiée par un joli filtre X-Pro II pour rendre les jolis moments de ces deux tourtereaux encore plus mignons. Cela aurait été beau, tendance mais cela aurait été vain et bien en deça du potentiel du gus. Le deuxième, c’est la construction d’un drame banal et téléphoné à l’image d’Un automne à New York ou Le temps d’un automne, ersatz inutiles de Love Story appréciés lors de délicieuses soirées Häagen-Dazs. Mais encore une fois, Van Sant n’est pas n’importe qui et ce qui aurait pu n’être qu’un divertissement mielleux et bourré de bons sentiments s’est transformé grâce à lui en pépite romantique comme on n’en voit que trop rarement.
Restless est centré autour de la maladie et la mort, deux thèmes qui sont chers à de nombreux cinéastes hollywoodiens tant ils leur permettent de duper leur public grâce à des artifices faciles censés provoquer les larmes du premier venu. Pourtant, le film s’impose comme le parfait contre-exemple de tous ces drames indigestes. Ici, pas d’apitoiement sur le sort de ses héros, pas de complaisance. Lorsqu’Enoch et Annabel se découvrent notamment lorsqu’ils contemplent un match de football, ils échangent avec une simplicité désarmante. Pas besoin de caresses sur la joue ou d’yeux embués pour transmettre des émotions et des sentiments. Leur discussion suffit.
Toute la naïveté de Gus Van Sant qui émanait de Will Hunting et A la rencontre de Forrester est présente dans Restless. Comme dans ces deux films, il aborde la relation de deux individus qui se rapprochent malgré leurs différences. Annabel est enjouée la plupart du temps tandis qu’Enoch est un jeune homme réservé et étrangement fasciné par la mort. Son attirance pour le sujet aurait pu rendre le long métrage glauque au même titre que la maladie d’Annabel mais ce n’est jamais le cas. Restless est un feel good movie qui préfère l’espoir au fatalisme malgré le sort scellé de son héroïne. Paradoxalement, le spectateur ressort heureux de cette expérience dans laquelle les deux protagonistes éprouvent l’un pour l’autre un amour avec ses fêlures mais simple et sans vice.
Mia Wasikowska ne nous avait pas convaincus dans Alice au pays des merveilles. Mais depuis, elle a très bien su se rattraper dans Lawless, Stoker et surtout Jane Eyre, autre excellente surprise du genre sortie la même année. Henry Hopper a pris beaucoup du charme et talent de son père. Spontané et rêveur, il est le choix parfait pour ce rôle dans lequel il fait preuve de solidité malgré son côté fragile, comme savait le faire son paternel.
Si vous êtes en retard comme nous, vous n’avez pas le choix et devez voir Restless, qui se situe à des années-lumière des productions larmoyantes qui défilent dans les salles chaque année. Certainement pas le meilleur film de son auteur, Restless est néanmoins une œuvre aboutie qui prouve une nouvelle fois le talent d’un homme qui prend autant à cœur ses expérimentations personnelles que ses projets plus accessibles.