Avant de reprendre très (très) librement l’univers de Sherlock Holmes créé par Conan Doyle, les films de gangsters étaient la spécialité de Guy Ritchie. On s’en souvient, ses deux premiers longs métrages (Arnaques, crimes et botanique ; Snatch) avaient fait leur petit effet et sont devenus des œuvres cultes, posant de nouvelles bases sur les adaptations du monde criminel londonien, très largement inspirées du mode d’écriture de Tarantino (Pulp fiction). Mais lorsque Guy bouffe trop de champignons ou veut faire un film pour sa muse Madonna, ça ne donne ni Inglourious Basterds et Kill Bill, mais Revolver et A la dérive. Evidemment, quand il s’est rendu compte qu’il était incapable de gérer un autre thème que celui qui a fait sa gloire et que les réflexions métaphysiques étaient bien trop complexes pour lui, le bougre s’est dit que pour reconquérir son public, il fallait revenir au genre dans lequel il est efficace.
En 2008, Ritchie sort donc Rock’n’rolla pour tenter de se faire pardonner et ne pas passer pour un véritable tâcheron. Mais comme il n’a pas envie de réfléchir, il reprend exactement le même schéma que Snatch. Encore une fois, vous allez voir des types louches se trahir pour de la maille et un objet de grande valeur. Ici, ce n’est plus un bijou mais un tableau. Pour faire comme s’il avait de bonnes idées, Ritchie ne montre jamais la peinture au spectateur. Ca vous rappelle la mallette remplie d’or de Pulp Fiction ? Nous aussi. Pour pimenter son récit, Ritchie y intègre un junkie malin, un Rock’n’rolla au sens premier du terme, qui veut à la fois la drogue, l’argent, les femmes et la célébrité.
Vous serez donc témoins de nombreux affrontements entre gangsters londoniens et russes, qui prennent la place des juifs américains de Snatch. Pour ne pas paraître trop bourrin, Ritch’ choisit parfois de s’enfoncer dans le bavardage. Le film s’attarde sur des personnages sans épaisseur, à l’image de celui de Thandie Newton (Mission Impossible 2). Même si Ritchie recycle tous les éléments qui lui ont permis de rencontrer le succès, Rock’n’rolla n’en reste pas moins appréciable et divertissant.
A travers sa mise en scène bling-bling, le film nous présente une palette d’individus sympathiques interprétés par des acteurs qui n’étaient pas forcément très connus à l’époque. Voir Tom Hardy en tombeur avec vingt kilos de moins, c’est un réel plaisir et l’on était certain au moment de la sortie du film qu’il parviendrait à percer. Après, lui prédire une place dans des œuvres aussi marquantes que Bronson, Inception, La taupe et (on l’espère) The Dark Knight Rises, c’était franchement impossible. En ce qui concerne Mark Strong et Idris Elba, les deux ont réussi à retrouver des rôles puissants (La taupe, Luther) mais ont aussi tourné dans des films peu recommandables (Green Lantern, Unborn). Quant à Gerard Butler, à part un doublage dans Dragons, il s’est enfoncé dans le paysage de la comédie romantique puante (Le chasseur de primes) et on aimerait le voir à la hauteur dans Coriolan de Ralph Fiennes, si les distributeurs français décident de lui accorder une sortie sur nos écrans. Le casting cabotin (mention spéciale à Tom Wilkinson) s’échange des vannes parfois bien trouvées, s’empêtre dans des embrouilles qui donnent lieu à des séquences barrées mais finit toujours par rebondir et atterrir sur ses pattes. C’est ça, la véritable définition du Rock’n’rolla.
Malgré son manque de rythme et d’originalité, il est difficile de ne pas ressentir le plaisir que toute la bande a éprouvé durant le tournage. Dans un second degré constant, Rock’n’rolla est une surprise que l’on n’attendait pas. Même si coller des claques à Guy Ritchie, réalisateur prétentieux et limité, nous ferait plaisir, il faut reconnaître qu’il a un certain talent pour créer un univers où ses déglingués s’escroquent dans des situations toutes plus absurdes les unes que les autres.