On ne va pas revenir sur la mort de Tony Scott et sur les débats ridicules qui ont été lancés après l’annonce de la nouvelle. On aimait bien le bonhomme et surtout ses films. Pas ceux dans la lignée de Top Gun, Jours de tonnerre ou Le flic de Beverly Hills 2, mais ceux qu’il a sortis sur la fin de sa carrière, en particulier Man on fire, Déjà-vu ou encore Spy game qui sont à nos yeux bien plus que de solides films d’action.
Lorsque l’agent Tom Bishop est capturé et enfermé dans une prison chinoise, son mentor Nathan Muir, sur le point de partir à la retraite, est convoqué d’urgence par ses supérieurs à Langley, le siège de la CIA. Ils veulent connaître en profondeur l’identité et le parcours de l’élève de Muir. Ce dernier va avant tout essayer de le sortir de cette situation et tenter d’empêcher son exécution.
Comme dans Déjà-vu et Man on fire, le film est construit autour d’un duo. Quand Denzel se prenait d’affection pour une petite fille puis pour une femme qu’il ne découvrait qu’à travers des caméras de surveillance, Robert Redford (L’arnaque) forme et entraine Brad Pitt (Snatch), tireur d’élite talentueux et idéaliste. Il lui apprend à vivre dans un monde où les trahisons et les meurtres sont monnaie courante, où il faut parfois mettre de côté ses principes pour le bien d’une affaire, et donc du pays. La confrontation entre les deux est passionnante et Scott a l’intelligence de ne pas forcer sur les traits de caractère. L’opposition paraît donc naturelle et n’est jamais caricaturale. Très froid et distant, Redford est d’une sobriété impériale et exprime un côté protecteur sans discours et regards faussement émotifs. A l’inverse, Brad Pitt joue plus dans l’excès et même si l’on a parfois l’impression qu’il s’oblige à bomber le torse, il n’en demeure pas moins attachant et convaincant.
L’autre aspect très réussi du film est sa narration. Scott fait des aller-retour dans le passé et le présent et commence à expérimenter son montage ultra-rapide mais ne perd jamais le spectateur, que ce soit dans les scènes d’action ou les passages de conspiration ou d’explication. On voit tout de suite que de nombreux metteurs en scène s’inspirent aujourd’hui de Scott, mais beaucoup ont du mal à trouver le rythme et à ne pas provoquer de crises d’épilepsie dans la salle. C’est notamment la sensation que nous avait laissé Jason Bourne : L’héritage, efficace mais foutraque à tous les niveaux. Alors lorsqu’on lit ou entend des types dénigrer ce bon vieux Tony et encenser des produits calibrés bien tièdes, on a tout de même légèrement envie de rire.
Nous emmenant à Beyrouth ou encore Berlin, Spy Game n’a rien à envier aux films d’espionnage récents et l’on n’ira pas jusqu’à prononcer le terme chef d’œuvre mais tous les ingrédients fonctionnent. Le long métrage enchaîne les séquences obligatoires, pose des enjeux classiques mais le tout est mis en boîte avec brio, porté par des comédiens impeccables et soutenu par la musique mémorable du compère Harry Gregson Williams, qui a signé la partition de tous les Scott depuis Ennemis d’état.
Spy Game est un exercice de style brillant dans lequel un cinéaste innove et n’hésite pas à tenter de nouvelles techniques. Divertissement de classe, l’œuvre de Scott est un pur plaisir beaucoup moins prétentieux et pompeur que beaucoup de blockbusters récents.