
Après s’être égaré dans les couloirs des grands studios et plus particulièrement chez Disney avec Aladdin, Guy Ritchie avait visiblement besoin de revenir à ses premières amours. C’est tout du moins ce que laisse penser le détective privé de The Gentlemen interprété par Hugh Grant, qui raconte l’intrigue en train de se jouer à un autre personnage important, avant de tenter de vendre le script à un scénariste de Miramax, société de production du long-métrage.
L’histoire que le privé expose est celle de Mickey Pearson, un Américain qui a parfaitement réussi son expatriation au Royaume-Uni. À Londres, Mickey est progressivement devenu le roi du marché du cannabis, en profitant de son expérience à Oxford pour écouler son stock auprès de ses copains étudiants. Désormais à la tête d’un empire, le roi est respecté, craint et très bien entouré. Mais arrive le temps où la nouvelle génération, représentée par un jeune mafieux chinois particulièrement ambitieux, devient désireuse de prendre la place de l’ancienne. Et c’est précisément à ce moment-là que Mickey sort les crocs.

L’envie de Guy Ritchie de prouver qu’il était capable de revenir à ses fondamentaux est palpable tout au long de The Gentlemen, et plus particulièrement lors de la fameuse rencontre entre Hugh Grant et le producteur. « Une histoire comme ça est-elle encore transposable à l’écran ? », laisse entendre cette scène, alors que Ritchie est en train de répondre par l’affirmative. Après le marché des combats clandestins dans Snatch et celui de l’immobilier dans Rock’n’Rolla, le cinéaste britannique nous plonge dans celui, extrêmement florissant et donc ultra compétitif, de l’herbe. Mais pour s’intéresser à la White Widow et la Super Cheese, le réalisateur avait besoin de calmer le rythme, sans pour autant tomber dans le tempo nébuleux du génial Inherent Vice.
En résultent de longues conversations où les dialogues atteignent rarement l’impact espéré mais durant lesquelles les comédiens laissent déborder leur charisme avec tranquillité, hormis Colin Farrell. En coach de boxe furibard de South London extrêmement attaché aux jeunes qu’il entraîne, le comédien vole la vedette à chaque apparition, alors que son personnage est pourtant loin d’être indispensable au récit. À l’inverse, Charlie Hunnam fait preuve d’une retenue constante, y compris quand les événements lui échappent et qu’il doit aller négocier avec des toxicomanes, auxquels il est allergique. Son personnage, d’une loyauté sans faille envers Mickey, n’est pas sans rappeler Archie, le bras droit campé par l’excellent Mark Strong dans Rock’n’Rolla. Quant à Matthew McConaughey et Michelle Dockery, ils forment un couple redoutable et élégant en toutes circonstances, même lorsqu’il tombe dans la sauvagerie.

Guy Ritchie a diminué les effets de montage pour se concentrer sur des face à face tendus, des menaces subliminales et des rencontres parfois hilarantes, sans pour autant renier son goût pour la narration déstructurée. Ce changement souligne à la fois la pauvreté de certains échanges et la cruauté de cette galerie de gangsters qui ne raterait pour rien au monde l’heure du thé. Avec The Gentlemen, le réalisateur prouve qu’il a gagné en sagesse mais qu’il n’a rien perdu en méchanceté. Ses personnages ont pour la plupart rarement été aussi cyniques, manipulateurs et manipulés, mais restent en tout cas profondément attachants.