Casey Affleck tourne peu mais Casey Affleck fait des bons choix, la plupart du temps (on oublie Le casse de Central Park). Entre 2007 et 2010, il a tourné dans trois purs films de genre : Gone Baby Gone, L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford et The Killer Inside Me. Trois rôles complexes, loin de tout manichéisme, auquel il aura apporté son faciès innocent et angélique. Nous avons adoré les trois performances de l’acteur et plus globalement les trois longs métrages mais il est clair que le dernier nous a fait froid dans le dos et a créé une sensation de malaise qui est restée un moment après le visionnage.
Affleck entre ici dans la peau d’un shérif légèrement dérangé. Car sa passion, c’est de battre à mort les femmes qu’il aime et manipuler tous les habitants de sa ville peuplée de pontes vicieux, de journalistes douteux et d’individus aussi étranges que lui.
Avec ce personnage, Affleck entre directement au panthéon des plus gros tarés de l’histoire du cinéma. Propre sur lui, exerçant un métier plutôt apprécié et rassurant, il se balade sans arme, Stetson vissé sur le crâne et l’on est convaincu qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. La voix off nous immerge dans ses pensées. Dans son cerveau, tout semble normal et plutôt bien organisé. Dans les premières minutes, le policier nous explique l’évolution de sa ville et de son contexte social. Sa petite bourgade est devenue cotée grâce au pétrole et certains en ont profité pour se remplir les poches. On croirait même qu’il va s’affirmer en sauveur et que le contexte politique va jouer un rôle important dans le long métrage.
Puis, c’est le dérapage total. On comprend qu’Affleck a un sérieux problème et la première séquence de meurtre est d’une violence inouïe. Affleck a ce petit sourire narquois, cette voix grave d’un adolescent et il dégage une certaine douceur même quand il massacre au poing des innocents. C’est d’ailleurs ce qui nous mettra profondément mal à l’aise pendant toute la durée de l’œuvre. Lui qui paraît si frêle est en réalité un monstre calculateur, méthodique et imprévisible qui va même jusqu’à embobiner le spectateur puisqu’il ne lui dévoile jamais ses intentions. Ainsi l’utilisation de la voix off est parfaite puisqu’elle n’a pas pour intérêt de nous prendre pour des imbéciles en nous dévoilant tous les enjeux mais de nous malmener et de contribuer au malaise constant. La photographie et les décors nous replongent dans l’ambiance des films noirs des 50’s et le réalisateur, Michael Winterbottom, a eu la bonne idée de ne pas adapter le récit à notre époque car le charme n’aurait probablement pas opéré et l’oppression permanente du long métrage n’aurait peut être pas fonctionné.
Avec ce personnage exécrable, le comédien rentre dans le club très fermé des psychopathes aux chapeaux ouvert par Harry Powell, l’ordure de La nuit du chasseur et clôturé récemment par le Killer Joe interprété par Matthew McConaughey. Il est accompagné de deux actrices rarement employées dans ce registre, Jessica Alba (Sin city) et Kate Hudson (Presque célèbre) qui s’en sortent avec brio. On retrouve également le vétéran Ned Beatty (Délivrance), Elias Koteas (Shutter Island) ou Simon Baker (Margin Call) dans des rôles assez brefs mais indispensables à l’histoire.
The Killer Inside Me est le portrait d’un homme à vomir qui se retrouve dépassé par sa folie meurtrière. Vous vous cacherez sûrement les yeux, vous aurez envie de casser votre télé, vous sauterez sans doute par la fenêtre, mais croyez nous, ça en vaut la peine.