On a souvent tendance à penser que le western est un genre épuisé qui n’a plus rien à nous offrir. Il est certain que les plus belles années sont passées, qu’il n’y aura sûrement plus de John Ford ou de Howard Hawks mais il reste encore quelques réalisateurs qui réussissent à le dépoussiérer et à nous proposer des choses sublimes. On pense évidemment aux frères Coen et à leur magnifique True Grit, à Andrew Dominik et son contemplatif L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Mais d’autres cinéastes moins connus ont également réussi leur incursion, à l’image de Mateo Gil avec Blackthorn, Kelly Reichardt avec La dernière piste ou John Hillcoat avec The proposition.
Nous sommes à la fin du XIXème siècle, en Australie. Le pays est en pleine colonisation. Le capitaine Stanley réussit à capturer Charlie et Mike Burns, deux membres d’un gang accusé de viols et de meurtres. Stanley propose à Charlie, l’aîné, un marché : s’il ne lui ramène pas son frère Arthur, le leader du groupe, il pendra Mike haut et court. Commence alors une longue chevauchée sur les terres brûlantes australiennes, durant laquelle Charlie devra surmonter de nombreux obstacles pour retrouver son frère.
Sorti en même temps que La route, auréolé d’un succès critique mérité, The proposition fut pourtant tourné quatre ans auparavant avec un budget beaucoup plus restreint. Hillcoat retrouve son compère Nick Cave, compositeur de renom mais également scénariste du film, et les deux artistes nous proposent un western brutal, dur, mais d’une splendeur stupéfiante. Ils réussissent à utiliser le contexte de la colonisation et à dénoncer le massacre des aborigènes tout en développant une histoire qui respecte parfaitement le schéma et les enjeux classiques du genre. Ce qui ne fait pas pour autant de The Proposition un film déjà-vu sans originalité.
Comme dans Des hommes sans loi ou La route, nous retrouvons des personnages fascinants qui veulent à tout prix protéger leur famille. Ainsi, Guy Pearce (L.A. Confidential), qui joue le rôle de Charlie Burns, est tiraillé entre le fait de vouloir sauver son petit frère et celui de tuer le plus grand interprété par Danny Huston (30 jours de nuit). D’un autre côté, Ray Winstone (Les infiltrés), dans la peau du capitaine Stanley, veut épargner sa femme de la barbarie de l’infanterie. Il est le seul faisant preuve de lucidité et de justice, mettant ainsi en avant la sauvagerie des colons venus « civiliser » une nouvelle terre promise. Tous les comédiens sont excellents, et l’on croisera également le vétéran John Hurt (Elephant Man) en mercenaire cinglé ou encore David Wenham (Le seigneur des anneaux) en véritable ordure qui n’est pas sans nous rappeler l’infâme Charlie Rakes de Des hommes sans loi.
Visuellement, The proposition est une réussite totale. La magnificence de l’environnement contraste avec la violence des hommes. Moins lent que La route, le long métrage prend tout de même son temps et nous propose une réflexion sur l’homme et la nature, notamment avec les poèmes énoncés en voix off. Mais rassurons les anti-Terrence Malick, l’œuvre de Hillcoat ne manque jamais de rythme, développe tous ses personnages à merveille et ne provoque jamais l’ennui car les enjeux prennent aux tripes et nous amènent vers une fin qui nous laisse sans voix.
The proposition est sans doute le meilleur Hillcoat. Plus prenant, plus violent, plus profond, plus beau, le réalisateur n’a jamais réussi à faire aussi complet par la suite et si comme nous, vous avez adoré ses deux derniers bébés, foncez sur celui-ci car vous allez vous prendre une grosse claque.